Salut!

Juste pour avertir les bda québécois que Montréal aura son festival de bédé cet été!  Le salon du livre de Montréal et le festival Juste pour rire s'allient pour nous présenter cette première édition du 14 au 24 juillet, sous un chapiteau qui sera érigé coin Maisonneuve et Sanguinet.

Les bda québécois pourraient peut-être profiter de l'occasion pour se rencontrer?

Salut!  J'aimerais savoir si vous pensez que ce scénario pourrait se transformer en BD facilement.  Quand à moi, je pense qu'il y a quelque chose d'assez intéressant à faire au niveau de la monté de la pression graduelle...

Le cadran de monsieur Ra´mar

Ce matin, en me levant, j'ai eu la peur de ma vie. Je viens tout juste de me l'avouer d'ailleurs; c'est parce que mon cadran a sonné une seconde fois que j'ai ressenti un tel effroi.  J'étais debout dans ma chambre, en train de mettre ma robe de chambre, lorsque le marteau du "bip" vint fracasser mon crâne, qui baignait encore dans un silence typiquement matinal.  C'eut l'effet d'un verre d'eau glacé que l'on m'aurait versé cruellement dans le dos.  Fait assez bizarre, car en plus d'être surpris, comme n'importe qui, j'étais complètement paniqué.  Je ne savais tout simplement plus quoi penser, ni où je devais poser mon regard.  L'adrénaline avait pris d'assaut mon corps et quelques secondes après avoir pris conscience de ma panique, je me précipitai sur l'infernale petite boîte qui me criait par la tête, pour finalement mettre un terme à son cris stridant; j'arrachai machinalement le bouton "snooze" de mon cadran.  Pendant tout ce temps, ma femme me regardait, alarmé, comme si elle venait de voir un mort...

Lorsqu'un problème surgit dans ma vie, je le règle, en étant bien sûr qu'il ne se reproduise plus jamais.  Je crois d'ailleurs que ma brillante carrière d'entrepreneur est due en partie à cette attitude.  Je suis un homme important, vous savez?  Je suis président directeur général de la corporation Ra´mar.  Ra´mar, s'est moi, et j'ai bâti ma fortune en produisant du papier, des tonnes de papier.  Bref, sans le papier, je ne serais sûrement pas, en ce moment, installé dans ce magnifique bureau du dernier étage d'un somptueux gratte-ciel du centre-ville. Et attention, pas n'importe quel bureau!  Il est décoré avec goût, il est grand, luxueux, organisé, confortable.  Une grande pièce, sombre, avec lumière tamisé pour faciliter la détente.  Plancher en noyer, mobilier principalement fait d'acajou.  Un luxe?  Non, une cause de mon acharnement à la tâche.  Ah oui! J'ai aussi une splendide maison; victorienne, une voiture; jaguar, une femme; Louise, et deux enfant; Laurence et Simon.  Mais peu importe, revenons à mon bureau.  Lorsque je m'assois derrière ma table de travail, et que je porte mon regard sur la vue splendide que m'offre la baie vitrée (sur laquelle le logo de ma compagnie est imprimé, en verre mât) en face de moi, je me sent...  Accompli.  C'est ce sentiment qui me permet de savoir si je suis toujours à la hauteur de ma carrière; le sentiment d'accomplissement.   Présentement, je suis justement derrière ce bureau, admirant le paysage urbain par la baie vitrée, tout en me remémorant les événements de ce matin... 

Problème. Je ne me sent pas accompli comme à l'habitude, car plus je me relate ma panique matinale, plus je crois détenir la cause de celle-ci;  j'ai paniqué parce que j'ai échoué; j'ai toujours détesté perdre, et vous avouerez qu'être dupé par un cadran est quand même assez gênant.  Je suis arrivé en retard à cause de lui en plus.  Ãa faisait une éternité que je n'étais pas arrivé en retard au boulot.  ?tais-je déjà arrivé en retard?  Peu importe, c'est moi le patron après tout!  Dire que j'ai couru comme un fou pour arriver à l'heure!  J'ai encore le coeur qui fait du cent milles à l'heure.  Il fait soudainement extrêmement chaud dans mon bureau, et au moment où je mets la main à mon front pour annihiler une goûte de sueur gênante, on cogne à la porte. 

Un instant plus tard, ma délicieuse secrétaire entre d'un pas assuré, me débitant mon ordre du jour, tout en filant vers mon bureau, un dossier et un verre d'eau dans les mains.  Vous savez, genre de secrétaire, fin de la vingtaine, petit tailleur Armani, cheveux long ramené en toc sur la nuque...  Très compétente.  Pour être plus clair, bref, une actrice porno déguisé en secrétaire, avec des notions de français et un doigté à faire rêver.  En déposant le verre d'eau sur la table, elle me tend le document en me soufflant de sa voix suave: "Compte-rendu du Ministère de l'environnement".  Aussitôt la phrase terminée, aussitôt la porte refermée sur son arrière train rebondit.  ?videmment, il faut que ça tombe aujourd'hui !  Je dénoue mon n£ud de cravate qui est devenu soudainement beaucoup trop serré.  Une chaleur immense s'échappe de mon col de chemise, me donnant tout juste assez d'énergie pour ouvrir le dossier et pour le parcourir sommairement:  Nouvelles lois...  ?mission de dioxyde de souffre...  Pollution... Protocole de Kyoto (Putain de japonais).  Eh merde.  Une fois de plus, il va falloir se taper une intense séance de lobying.  Je referme le dit dossier quelques minutes plus tard, pour ensuite me masser la nuque de la main droite; elle est bouillante.  Vous savez, produire du papier a ses inconvénients; ça pollue!  Mais que voulez-vous que je fasse, que j'arrête la production?  Que je la ralentisse?  Je ne peux pas, je participe activement à l'essor dynamique de l'économie moi!  Eh bien oui, je pollue le St-Laurent, eh bien oui, il faudra acheter encore un peu plus de permis de polluer, ou peut-être financer le prochain parti politique qui rentrera aux élections.  Aucun problème.  Au-cun pro-blème! 

Je m'écrase dans mon fauteuil de cuir, satisfait, oui, satisfait! Et un peu moins angoissé que tantôt... Tout ça m'a donné soif ; je me souviens tout à coup qu'avec le dossier, ma secrétaire avait apporté...  Un verre d'eau.  Comment ça un verre d'eau!?!  Je veux et j'obtiens toujours un café le matin!  Depuis quand on prend un verre d'eau pour se réveiller le matin?  Le réflexe de rappeler ma secrétaire me traverse l'esprit, mais je m'abstiens sous l'effet d'un éclair de clairvoyance... 

Ra´mar, analyse donc un peu. 

Tout s'est déroulé beaucoup trop vite depuis ce matin.  Le cadran, le dossier et finalement le verre d'eau.  ? bien y penser, il y a un lien incroyable à faire entre le verre d'eau et le dossier du Ministère de l'environnement...  Ce ne peut pas être une co´ncidence.  Ce doit être quelque chose de planifié... Une ruse des médias?  Il sont capable de n'importe quoi pour avoir la nouvelle de nos jours... (? bien y penser, je devrais peut-être investir dans le domaine de la presse.  Ãa m'éviterait ce genre d'ennuis).  Je n'ose pas imaginer le portrait :  On m'offre un verre d'eau avec un compte-rendu environnemental et à mon insu, on me filme rapportant le verre d'eau plein à ma secrétaire: ½Thompson lui-même ne fait plus confiance à notre eau...? Imaginez le portrait.  Et ce putin de cadran qui sonne, qui me cri par la tête que moi aussi je peut faire des erreurs...  Si les actionnaires savaient ça...

Il faut me comprendre, je n'ai pas fondé ma carrière sur des coups de dés, je suis un homme organisé, et cet avant-midi a été des plus chaotique.  Bon, l'important, s'est de reprendre les choses en main.  De garder le contrôle.  C'est impératif, je ne peux pas rapporter ce verre à ma secrétaire, le geste est beaucoup trop risquée.  Il faut que je trouve l'action à faire qui créera finalement le moins de répercussions négatives.  Je suis carrément en mode " résolution de problèmes".  Je m'essuie le front, dégoulinant de sueur, tout en posant un regard général sur la scène.  Le verre d'eau, en face de moi, me captive au plus haut point.  J'ai le regard fixé sur cet objet de malheur.  Donnez-moi des grévistes en colères, une récession à combler ou des millions à accumuler, mais pas cette situation, cette journée qui semble échapper à mon contrôle depuis le début! 

Au fur et à mesure que je travail sur la problématique, je me rend bien compte que, en plus d'avoir l'obligation de ne pas le rapporter plein, j'ai aussi l'obligation de le boire.  J'aurais très bien pu le laisser là, ou le jeter par la fenêtre, mais il suffit qu'une personne soit témoin de la scène pour que la rumeur démarre.  Mes yeux restent de plus en plus fixés sur le verre.  La solution comportant le moins de risques est sans aucuns doutes l'absorption du liquide.  Je m'y résigne, tranquillement, regrettant un peu mon café. Cependant, plus je fixe l'eau, plus elle me semble sale.  Je prends donc le verre et l'approche de moi, pour mieux voire ce qui cloche avec le liquide.  L'eau est limpide, mais en regardant bien, j'ai l'impression d'y apercevoir des petites particules.  Merde, les chiens ont réellement eu le culot de me donner de l'eau pollué (peut-être même un coup de Green Peace!).  J'extirpe une loupe d'un de mes tiroirs et inspecte avec précaution mon ennemi (pourvu que personne ne me voit en train de faire ça).  Mon coeur pompe du sang comme  un moteur de voiture sport, mes chaleurs reviennent.  Grossis sous l'effet de ma loupe, les "particules" se définissent follement bien.  En fait, ce ne sont plus des particules que j'ai sous les yeux... mais bien une multitude de petits vers grouillants.  Leurs corps s'agitent de tous bords tous côtés dans un chaos des plus répugnant.    Je ne peut plus décrocher mon regard du verre, je suis hypnotisé par le spectacle.  Il semble y avoir à une extrémité de leurs corps une minuscule gueule, qui laisse paraître de petite dents acérés.  Ces petites ouvertures ont d'ailleurs toutes l'air d'être orientés dans ma direction!  Ces microscopiques lombrics semblent littéralement me narguer de leurs queues frétillantes: ½Vous êtes piégé Thompson!  C'est vous qui perdez ou nous qui gagnons!? 

Reprends-toi Ra´mar.

Les parasites, les démons, les Terroristes!  Je suis bouillant, j'ai la gorge serrée et la nuque qui menace d'exploser à tout moments.  Finalement je pourrais tout simplement ramener le verre à ma secrétaire, en lui piquant une bonne crise de nerfs?  Non, le résultat serait le même.  Le publique s'en fou que j'aime mieux boire un café le matin. Par contre, ce qu'ils vont savoir, s'est que j'ai refusé de boire un verre d'eau.  Oui, je suis décidément contraint de le boire, et de toute façon, c'est bon pour l'opinion publique...

Non?  Mais merde!  S'est bourré de je ne sais combien de monstruosités là-dedans, et il y en a peut-être même plus que dans le St-Laurent!  Il faut arrêter les enfantillages.  Je prends le verre, et tranquillement, l'incline vers ma bouche.  Je sens comme un boule se former à l'entrée de mon larynx.  J'essaie de la repousser en avalant à quelques reprise... Rien à faire.  Je prends de grande respirations, et sent le bouillon acide du vomit venir me racler le fond de la gorge.  Pour le bien de l'entreprise Ra´mar.  Je m'étoufferai, au diable le confort.  Cul-sec!  Je bouillonne de chaleur et l'eau, au moment où elle vient toucher ma langue, me frigorifie par sa température glaciale.  Le courant froid fige mon crâne, vient briser ma nuque, pour finalement heurter mon coeur palpitant, qui se glace aussitôt... 

Les dernières choses que je vis avant de mourir furent les pieds de ma secrétaire en émoi qui rentrait dans mon bureau, alertée par le cri soudain que j'avais poussé.

FIN