#26 14/07/2009 14:57:07

le pingoin masqué
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Re : A la recherche du brouillon perdu

alkbazz a écrit:
je reviens pas sur la définition, l'underground c'est tout ce qui ne se défini pas, contrairement aux genres bien définis.

Il aurait fallu commencer par là .Une anti-définition vaut mieux que rien du tout

Quand tu dis que c'est très dur, réservé à une élite, je suis pas du tout d'accord ! La BD classique, franco-belge, est super difficile en comparaison ^^ Combien ici par exemple arrive à avoir un niveau pro ? C'est évident, cela demande vachement plus de travail, de maitriser chaque détail, la narration, le scénario, le dessin et la mise en scène et j'en passe.

...

Tu le dis toi-même, faire 3 taches c'est facile ! Bien sur, les auteurs que je montre paraissent maitriser leur travail, mais ils ont 10-30 ans de boulot derrière. Cependant il y à énormement d'auteur qui débutent, et le simple fait d'utiliser son dessin, son instinct pour raconter des histoires, d'inventer ses propres combines etc, tout ça est DE LOIN beaucoup plus facile que de chercher à imiter Franquin !! C'est impossible, il faudrait un rythme de travail professionnel pour y arriver, sans parler des combines de studio...

Je vois ce que tu veux dire mais on ne parle pas de la même difficulté.La difficulté dans l'underground, c'est de faire de l'underground^^Autrement dit (voir ta définition),de faire quelque chose qui ne se situe pas dans un genre bien défini, de faire quelque chose de différent, de personnel ,de NOVATEUR.Assaillis d'images, de clichés, de préjugés et d'influences, il est difficile de s'en libérer.
C'est dans le processus de création que je vois la complexité, pas spécialement dans le dessin, ou la mise en page(même si y a certains auteurs underground qui font des trucs d'une complexité démente^^).

Regarde Pain(t), il a pris un crayon, suivi le modèle Trondheim, utilisé son dessin le plus immédiat, et hop ! sa Bd est super drôle et graphiquement très personnelle

Certes mais le style graphique simpliste et très personnel de pain(t) est soutenu,à l'image de Trondheim, par d'excellents dialogues qui, par je ne sais trop quelle magie, collent à merveille avec le dessin.
Si Trondheim avait fait une histoire classique avec ses dessins, ça m'étonnerait qu'on s'en soit souvenu.D'où difficulté...(héhé^^)

En tout cas très intéressant ton sujet alkbazz


Il ne faut pas dire "planter une tente ",mais "poignarder la soeur de sa mère".

Au fait, tout le monde dit que ce blog est à chier, mais tu n'es pas comme tout le monde, hein?
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#27 14/07/2009 15:07:27

alkbazz
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Re : A la recherche du brouillon perdu

évidemment, ça n'est pas facile de développer quelque chose d'intéressant avec du caractère, sans tomber dans la redite etc... mais c'est un effort, une volonté. Si tu passais des heures à imiter untel ou untel, ou à suer pour rendre ta planche formatable/éditable, tu perdrais toute ton énergie là-dedans alors que tu aurais pu travailler ton style

moi j'ai attaqué ma BD, Antikhtonie avec l'idée de faire une BD, certes un peu différentes, mais sur le modèle d'une BD alternative disons - j'ai commencé ce travail il y a 10 ans, avec beaucoup de vide dus au fait que j'étais découragé par l'ampleur de la tache... et aujourd'hui encore il me reste du boulot dessus
A l'inverse j'ai attaqué un style plus perso, plus simple, il y à 2 ans et maintenant je m'amuse avec ça, j'ai plein d'idées etc - alors c'est plein d'erreurs, c'est pas encore au point pour etre compris par tous, mais c'est plus gratifiant - j'ai éliminé l'idée que je me faisais d'une BD et accepté de faire différent de ce qui me fait rêver, mais je crois avoir plus de chance d'arriver à qqchose de sympa


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#28 14/07/2009 15:30:11

le pingoin masqué
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Re : A la recherche du brouillon perdu

Alkbazz a écrit:
évidemment, ça n'est pas facile de développer quelque chose d'intéressant avec du caractère, sans tomber dans la redite etc... mais c'est un effort, une volonté. Si tu passais des heures à imiter untel ou untel, ou à suer pour rendre ta planche formatable/éditable, tu perdrais toute ton énergie là-dedans alors que tu aurais pu travailler ton style

Ca ,c'est pas non plus impossible, sinon ça existerait pas^^Et je m'amuse pas non plus à imiter parfaitement un style.Ca n'a pas de sens et pas d'intérêt.Disons que mon style de dessin est principalement le résultat d'un série d'influences assez diverses.
A moins que j'ai en tête une BD avec UN style particulier, je ne me prend pas la tête.
J'ajouterais même que tomber dans la redite n'est pas le seul problème .On peut aussi tomber dans ,au-delà du style personnel et inventif, le moche , l'incompréhensible à outrance, la vulgarité gratuite et le pseudo-intellectuel.

C'est pas le cas pour ce que j'ai vu d'anthiktonie


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#29 14/07/2009 15:35:36

alkbazz
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Re : A la recherche du brouillon perdu

yep, je disais 'tu' au sens large

d'autre part je comprend ceux qui se donnent à fond dans le sens de devenir pro, c'est un choix voilà, et il en faut, je suis aussi lecteur de l'édition pro (bon enfin pas tout

et je suis d'accord sur le coté moche et vulgaire, avoir son style, rester indépendant ça ne veut pas dire arrêter de travailler et être illisible, au contraire


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#30 15/07/2009 09:32:07

naamlock
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Re : A la recherche du brouillon perdu

Gregor a écrit :

Quand à ce qui se dit underground aujourd'hui, on est loin de ce qui ce faisait dans les années 80. Aujourd'hui il s'agit souvent d'une bande de petit bourgeois élitiste, qui se proclame underground parce qu'ils se force à un style, ou parce qu'il refont du Dadaïsme, du surréalisme ou du nihilisme. Pourvu que le quidam, ni pige rien c'est suffisant pour dire que c'est underground. Comme si cela ne tenait qu'a ça.

Si le quidam ne pige rien, c'est probablement aussi parce que celui ci ne ce donne pas la peine de pousser la reflexion bien loin (évidement, il faut avoir l'envie de décortiquer l'oeuvre pour cela) mais il y a souvent des pistes éparpiller ici et la, je pense que cette démarche s'apparente a une sorte  de respect de l'auteur envers son lecteur, je veux dire par la que l'auteur de ne prend pas le lecteur pour une grosse quiche sans cervelle, il ne livre pas une oeuvre prémaché aussitot lu, aussitot oublié.
Le lecteur doit réfléchir et participer (faire des recherches autour de la symbolique, analyser et rassembler les piéces du puzzle, chercher à comprendre pourquoi tel effet de réal est employer a ce moment la, en fait décortiquer dans tout les sens la réalisation de l'oeuvre) .

De mon point de vue de lecteur comme d'auteur j'aurai toujours une préférence pour des oeuvres s'achèvant sur de multiples interprétations (jouant ainsi de la psychologie de son lecteur) mais ça ne m'empeche pas de me marrer non plus comme un bossu devant un  Gaston.

Dernière modification par naamlock (15/07/2009 12:00:02)


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#31 18/07/2009 11:12:42

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Re : A la recherche du brouillon perdu

De manière hyper synthétique je dirais que coller une étiquette au final ne sert pas à grand-chose : l'underground s'est caractérisé à un moment par un mode de diffusion qui n'existe plus aujourd'hui (réseau underground) et par une esthétique qui de toute façon a été récupérée depuis longtemps (Crumb dans Télérama, Shelton, etc.). 

Dire que la bande dessinée alternative c'est de l'underground c'est un peu tout mélanger et du coup l'étiquette est encore plus inutile. Je trouve l'idée de bande dessinée "alternative" assez agaçante, je lisais encore une Eprouvette (trois numéros de cette revue "critique" ont été édités par l'Association en 2005-2006)  il y a quelques jours, et pour trouver quelques articles  intéressants dans cette littérature on doit se farder des textes qui tiennent plus lieu de publi-reportages théoriques et de querelles de chapelles idiotes que d'un travail de création théorique sur la bande dessinée (ceci n'engage que moi). Croyez bien que je n'ai rien contre le théorique et l'intellectualisme, qui sont même deux nourritures constantes pour moi, c'est la faiblesse des positions théoriques, le caractère auto-centré, la tentative de récupération de tout ce qui a fait la marge théorique sur la  bande dessinée (Rosset, Lecigne, Barthélemy Schwartz, tous plus ou moins intéressants parce qu'anti mais en même temps très pauvres dans une fonction générative), sous la bannière très large de l'Association qui m'agace un peu. Et ça résume ce qu'est la bande dessinée alternative : des éditeurs qui veulent concurrencer les gros éditeurs sur le terrain de la librairie et de la diffusion en général, qui pour se faire veulent se distinguer, mais toutes leurs publications ne relèvent pas du miracle, même si le catalogue de l'Association est très bon et recèle plein d'excellentes bandes dessinées là n'est pas la question.

Quant à l'avant-garde, elle se déterminerait pas la nouveauté formelle (généralement accompagnée d'un changement technique) qui se constitue en groupe et manifeste sa rupture... Bon. 

Je me reconnaitrais plus si l'on parle d'un courant de critique sociale et politique, de position radicalement critique sur le social, mais je comprends bien que tous les BDA ne veulent et ne puissent suivre cette voie-là. Je dis un peu la même chose que Grégor mais d'une autre façon.

Au final il  n'y a que les auteurs et les ?uvres qui comptent, ce en quoi elles font une altérité.  Plutôt que de dire underground, alternatif ou d'avant-garde, je préfère dire Burns, Bertoyas ou Bicéphale, soit Black Hole (Delcourt), Ducon (l'Association) ou 5 histoires de Duo (auto-édition).

Et comme peu de japonais ont été cité :

Mizuno:
pd1677.jpg
(j'aime beaucoup son Cinderalla)

Hanawa
hanawa.png
(J'aime surtout son Dans la prison chez Ego comme X)

Maruo
crueleye.gif

Et Junji Ito pour son Spirale:
comics_JunjiIto.jpg

Etc.


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#32 18/07/2009 11:50:09

alkbazz
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Re : A la recherche du brouillon perdu

OK, on en revient à une BD engagée - et je dis pas ça dans le sens politique uniquement, mais aussi en terme graphique ou formel

je crois aussi qu'on a assez parlé de théorie, d'ailleurs j'ai volontairement exclu le terme underground du titre de ce sujet pour pouvoir parler de tout ce qui sonne brouillon/bizarre pour un lecteur lambda de BD divertissante

l'alternative est intéressante, mais c'est ce que c'est, une alternative, donc autre chose qui se défini presque aussi bien que la norme.

J'ai choisi 'brouillon' car ce que j'aime ce sont les auteurs qui font leurs trucs sans chercher à se définir, que ce soit alter ou autre, tout ceux qui voguent de ci de là au gré de leurs aspirations et de leurs ressenti - difficile de le dire simplement par un terme consensuel - concrètement, lorsque je suis dans une librairie, la réponse à ma question est : "alors, les trucs un peu spéciaux c'est là-bas, au fond du magasin, sur la petite étagère"
Alors voilà, parlons de trucs 'un peu spéciaux'

intéressant tes exemple japonais, on en parlait justement ailleurs.

connaissez ça ? : http://pixton.com/


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#33 18/07/2009 13:28:32

Docteurs O & C
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Re : A la recherche du brouillon perdu

alkbazz a écrit :

OK, on en revient à une BD engagée - et je dis pas ça dans le sens politique uniquement, mais aussi en terme graphique ou formel

C'est la même chose... Enfin il n'y a pas lieu de distinguer.

alkbazz a écrit :

je crois aussi qu'on a assez parlé de théorie, d'ailleurs j'ai volontairement exclu le terme underground du titre de ce sujet pour pouvoir parler de tout ce qui sonne brouillon/bizarre pour un lecteur lambda de BD divertissante

Faire la théorie de sa pratique c'est la moindre des choses. Enfin prétendre faire de la bande dessinée sans avoir de théorie de la bande dessinée qui se construit en même temps qu'on la fait... C'est soit hypocrite soit lâche soit bête.

Enfin bon tout le monde est artiste maintenant, il suffit de jeter 3 cases sur un brouillon ou de faire du r'n'b avec Fruityloops. Je trouve ça un peu mou, pas exigeant au final.  Je veux dire exigeant sur soi-même, essayer d'apporter quelque chose d'un peu plus consistant que "tu vois je me donne à fond je suis un fou du dessin lâché et j'ai pas de contraintes".

alkbazz a écrit :

l'alternative est intéressante, mais c'est ce que c'est, une alternative, donc autre chose qui se défini presque aussi bien que la norme.

Bof... L'alternative change parce que la norme change. L'alternative est quand même en déplacement... si elle veut se maintenir alternative en tout cas.  Le problème de l'alternatif c'est qu'il veut supplanter la norme tout en n'étant pas normé, ou au moins "anti-conformiste" et c'est assez paradoxal comme tactique.

alkbazz a écrit :

J'ai choisi 'brouillon' car ce que j'aime ce sont les auteurs qui font leurs trucs sans chercher à se définir, que ce soit alter ou autre, tout ceux qui voguent de ci de là au gré de leurs aspirations et de leurs ressenti - difficile de le dire simplement par un terme consensuel - concrètement, lorsque je suis dans une librairie, la réponse à ma question est : "alors, les trucs un peu spéciaux c'est là-bas, au fond du magasin, sur la petite étagère"
Alors voilà, parlons de trucs 'un peu spéciaux'

Je n'aime pas forcément les girouettes. Chercher à se définir ça me parait plus intéressant (sans réussir à se définir bien sûr ha ha).

Le ressenti...  Argh.

Parlez-moi de votre ressenti. Hum? De votre ressenti oui...
bscap000.jpg
Mais nan je déconne! Je déconne! J'essayais un nouveau truc que j'ai vu à la télé... Je déconne, c'est pour rire, hein. (1)


Et les trucs un peu spéciaux ne sont pas forcément dans un rayon défini en librairie, contrairement aux années 80/90. Sauf chez les bouquinistes peut être.

alkbazz a écrit :

connaissez ça ? : http://pixton.com/

Berk. Tu trouves quoi d'intéressant là-dedans?

_____________________________________________________________________
(1) Image copyleft LL de Mars 2008, l'Inconscient est-il de droite partie 2 http://www.le-terrier.net


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#34 18/07/2009 15:21:14

alkbazz
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Re : A la recherche du brouillon perdu

pour pixton, bah bof, je cherche juste, je demande

j'ai un peu réorienté le message pour ouvrir aux différents points de vue. Je ne tiens pas à parler de mon travail, je cherche plutôt à découvrir ce qui se fait aujourd'hui dans des directions disons nouvelles ou différentes des miennes (ou peut-etre pas)
Si je dis que j'ai assez parlé (dailleurs j'ai écrit "on" hmm) de théorie c'est que j'ai suffisamment exprimé mon point de vue pour l'instant. Ce sujet est aussi fait pour parler concrètement de travaux originaux. Mais je n'ai rien contre un bon vieux retour de débat théorique

l'engagement graphique est un engagement politique, puisqu'il faut bien que tout acte soit politique, ce que je veux dire c'est que s'engager n'est pas seulement dire "les israéliens sont méchants" ou "la police c'est pas bien" - c'est aussi prendre position esthétiquement

la norme change, l'alternatif change, oui, tout évolue, mais ces deux facettes évoluent de concert et sur le même schéma, se répondant l'un l'autre (enfin plus ou moins). L'alternatif se pose comme autre par rapport à la norme, donc il la suit. Elle propose des choses forcément intéressantes, mais son mécanisme est théoriquement dépendant d'une normalité.

ressenti était inadéquate et choix par défaut dans un moment d'inattention épistolaire
Lacan+, ça rejoint Anal+ ?

Au sujet des rayons de librairies, évidemment je parlais de bouquiniste, je ne suis pas rentré dans une librairie depuis des années, et encore, je crois n'avoir acheté que deux fois des BD en librairies, un jour glorieux où je fut riche
L'accès à la BD me parait de plus en plus difficile financièrement, mais c'est surement du au fait que j'habite en province, dans un petit bled de surcroit. Et d'occasion c'est itou, les BD alter/'spéciales' sont vendues 4x plus chers que neuf (18 euros pour une patte de mouche).

Donc, mon point de vue, ou comment je pense mon travail.
D'abord je ne l'envisage pas comme une alternative, ça ne m'intéresse pas de diffuser via un éditeur de façon industrielle. Pourquoi pas créer une édition un jour mais pour l'instant ça reste flou pour moi, j'avance au coup par coup. Mais dans ce champ j'envisage le livre comme un livre d'artiste et pas comme un objet industriel, joli ou pas.

En fait je ne peux pas parler de mon travail de BD sans parler du reste. Je suis peintre, je serais même un artiste si j'avais la feuille Maison des artistes, mais j'ai toujours refusé de rentrer dans ce cadre. J'aime ne pas m'enfermer dans un style ou un genre, je ne suis pas fixé sur une esthétique picturale par exemple, en gros si je faisais une expo de tout mon travail on penserait voir une expo collective. Cependant je travaille plusieurs directions de front. Et surtout j'ai plusieurs fils conducteurs qui sont l'aspect technique et matériel, la façon dont les différentes esthétiques se mettent en place, comment elle sont perçues, comment elles peuvent dépendre d'un rapport à la matière et à la technique (sans parler de ce passage fascinant entre la matière et la technique). Cet aspect est valable à une plus grande échelle, j'utilise de nombreux médias (peinture, gravure, musique, dessin, installation, écriture, BD, etc).

Je n'achète jamais de matériel industriel, j'utilise des matériaux que je fabrique. Lorsque j'utilise des matériaux industriels c'est pour les montrer comme ils sont, pour ce qu'ils sont.
Je m'interesse aux rapports sociaux-esthétiques, et à la façon dont on peut froisser certaines frontières. Comment une tenture festive, vu comme une décoration éphémère, devient une oeuvre d'art par le simple fait de passer du mur de caisson à un mur de musée. Et comment quelque chose qui est perçu comme dissidente dans ce même musée devient ludique si je la montre sur la place publique. Comment le méchant crane hardcore devient rigolo dans cet environnement.
Du coup, j'essaie d'utiliser une esthétique pour dire autre chose que ce qu'elle est censée dire. Le petit bourgeois en voyant une peinture ou une BD va me dire que c'est très beau, mais il ne verra qu'après coup que cette beauté dit quelque chose de plus, quelque chose qui le met si possible mal à l'aise. En revanche, le djeun ne va pas rentrer dedans. Si j'utilise une esthétique djeun, il aura la même réaction que le bourgeois, et il fera les même abstractions.Mais je ne cible pas le 'méchant bourgeois', je m'attaque plutot aux conventions, qu'elles soient bourgeoises ou alter ou autre, toutes les formes d'enfermement social ou culturel.

Pour revenir à mes deux principaux travaux en BD, Antikhtonie et Alkom'X : Antikhtonie est une BD très formelle, un volume couleur de 46 pages. Cette BD est pour moi un exercice, j'y teste toutes les techniques que je peux avoir envie de tester. C'est globalement un objet esthétique, dans le sens classique, c'est plutot visuel, organique. Mais j'essaie de contredire l'apparence, lorsque l'on regarde de près cela devient étrange... Là où on s'attend à un portrait soigné je me suis en fait contenté d'une illusion - je n'aime pas pousser le graphisme jusqu'à la vraisemblance ou l'hyperréalisme, je préfère le suggérer. C'est une notion qui m'interesse aussi en peinture. Je crois à la tache qui devient visage, avec beaucoup plus de force qu'un visage peint académiquement. Cette BD raconte deux histoires : l'une est normale, c'est une aventure avec un méchant et des gentils et tout. L'autre est implicite, c'est celle de quelqu'un qui refuse l'uniformité industrielle et sociale vers laquelle on tend, c'est aussi un refus de compromis. Tout comme en peinture, je ne veux pas que ce que je crée soit de même nature matérielle qu'une enseigne de fast food ou tout autre objet industriel, je ne veux pas de plastique, ou alors pour l'utiliser comme un moyen d'en démontrer l'absurdité (j'ai utilisé des résines de conservation-restauration pour créer des peintures réversibles, des restauration virtuelles d'oeuvres qui n'existaient pas avant que je ne les créent, ces peintures sont matériellement plastique)

Alice, le personnage principal, est une réaction concrète à la BD et au fait qu'une héroïne de BD est forcément bien dotée. Elle est normale, c'est un individu comme un autre, normalement constitué, et tant pis si ça n'attire pas les foules comme une Quequette de l'oiseau du temps.
Je ne cherche pas non plus à suivre une unité graphique, ce qui m'interesse c'est de m'adapter à chaque séquence, de trouver le graphisme qui va restituer au mieux ce que je souhaite dire ou montrer. Ou bien au contraire de me laisser guider par la technique, et laisser parfois faire le hasard.

Alkom'X est différent. J'y teste d'autre technique, non pas graphique, mais matérielles, comme la linogravure. D'ailleurs les gravures Zoas illustrent un peu ce que je disais sur l'esthétique trompeuse, ce sont en apparence des gravure bois type XV s, quasiment des faux. Les gens ont réagis comme devant de vraies gravures bois (je parle des originaux qui sont imprimés sur papier XVII taché), en pensant que j'avais dépouillé un vieux livre. Un artiste a été carrément choqué, pour lui on ne pouvait utiliser l'art pour dénoncer l'art. Et c'est tout à fait une réaction qui me motive ! Je m'attaque souvent à ce milieu, justement les alter, dés qu'ils voient, qu'ils reconnaissent une esthétique qui est censé être 'dans leur camp', il s'attendent à un contenu idem, somme toute convenu, et au final ils sont plutôt déroutés.

Arf, j'ai du boulot, je suis bavard car a-méthodique, mais ce que je veux dire c'est que j'envisage la BD comme une variante de mon travail d'artiste et pas comme un monde isolé, un 9eme art - il n'y à qu'un art ou des milliers.

Pour résumer, je refuse l'industrialisation, la surmultiplication d'objets médiocres; et je refuse la catégorisation, le fait d'être auteur de BD m'intéresse aussi peu que d'être artiste peintre ou autre, je ne fais pas de distinctions entre les différentes façons de créer, je n'aime pas avoir à faire avec un plasticien ou un artiste ou un auteur de BD, j'aime mélanger les genres et jouer avec les esthétiques. Je refuse aussi d'être explicite, on a bien assez de la télé pour nous prendre pour des cons, mais cela ne veut pas dire que je souhaite rester obscur, au contraire.

désolé si ce message à l'air brouillon mais j'ai trop de choses à dire au vu du temps qui m'est imparti (interruptions fréquentes) - j'espère que tu en tirera quelque chose de cohérent ^^


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#35 19/07/2009 01:02:29

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Re : A la recherche du brouillon perdu

Intéressante réponse

Oui oui je ne saurais pas m'avancer autant dans certaines propositions (sur le rapport au musée par exemple) mais sinon merci pour ces développements pas si brouillons que ça.


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#36 19/07/2009 23:09:41

alkbazz
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Re : A la recherche du brouillon perdu

eyo

Cet après-midi nous avons acheté ça avec un collègue (occasion, 20euros) :

http://www.lederniercri.org/dosc/moolinex/APL1.htm

c'est superbe, un vrai travail de sape de l'image populaire, des dessins en grosse majorité, des fausses pochettes de disques (beatles, Bee Gees etc), des fausses couv de comix (Bon Comix), des objets et des canevas délirants (tous morts, tous égaux), rien que le dessin de tête est un régal (Liberté/Egalité/Pas travailler/Merde & Remerde)
L'objet aussi est intéressant, un format italien 32x25, offset, avec une très belle couv sérigraphiée originale

bref, je m'étonne de ne pas trouver beaucoup d'info sur Le dernier cri. J'avais essayer de les contacter l'an dernier mais pas de nouvelles... Est-ce que cet éditeur est toujours en activité ? On m'en parle régulièrement, étant proche de Marseille, mais cela ressemble un peu à un mythe, on y voit jamais la queue (enfin si mais ...bon)


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#37 19/07/2009 23:36:36

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Re : A la recherche du brouillon perdu

Oh ben oui t'as pris un des plus beaux Moolinex eh dis donc par hasard quel homme de bon goût. Compilation ultime des art pute carnet très bon choix je l'ai même pas celui-là

Le Dernier Cri organisation underground de graphistes protéiformes? Qui sont-ils ?
Où vont-ils? Nul ne le sait.

Mais l'atelier secret de la friche belle de mai fonctionne 24h/24 7j/7 des ouvriers pakistanais servent de couverture.

Je reçois sous le manteau une newsletter cryptée ils viennent de tirer ça.

LA PROTHESE HRZ DE LEO (QUIEVREUX)
p1020088.jpg
LA PROTHESE HRZ DE LEO (QUIEVREUX)
128 PAGES (20x30 cm) FORMAT ITALIEN
BLACK/WHITE SILKSCREEN
COVER 2 COLORS ON BLACK PAPER
200 COPY
30 EUROS

Et ça aussi :
KEITI OTA
p1020081.jpg
NEW KEITI OTA POSTER /  Haché de bébé
                                               5 SILKSCREEN COLORS
                                                     100 copies
                                                             50 euros

Et l'adresse sur le site est la bonne:

http://www.lederniercri.org
info@lederniercri.org

Enfin bon voilà si si ils sont bien vivants et très ENERVES, toujours.


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#38 19/07/2009 23:49:22

alkbazz
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Re : A la recherche du brouillon perdu

ah cool c'est donc un groupuscule obscur... je vais m'inscrire de ce pas à la newsletter p'tain, faut absolument qu'on s'installe un petit coin sérigraphie, le rendu est vraiment sympa (argh, c'est à l'étude, mais le côté cher du matériel et surtout l'usage abondant de solvants me gène un peu... arf on trouvera bien une solution !)
Et puis si c'est possible de faire qqchose avec eux ça serait vraiment chouette (ne serait-ce que de les exposer)... dommage que je soit un peu bloqué (panne de camion), je serais bien aller voir ce qu'il se passe à la friche, en dehors du théatre contemporain vivant de rue qui dit des choses sur fond de musique actuelle et d'audiovisuel social

on se rapproche d'un certain underground là quand même
ça y est chuis accro ^^


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#39 03/11/2009 23:28:17

D. H. T.
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Re : A la recherche du brouillon perdu

Juste un mot pour dire du bien du site de Dash Shaw dont j'avais parlé ici en 2008: http://www.bdamateur.com/forum2/viewtop … 15#p172415

Underground ou pas, c'est à vous de voir (tous les arguments du débat sont déjà là à mon avis). Mais en tout cas c'est bien dans le ton de certaines références qui ont été citées dans ce sujet.

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