Splinter Cell sème le chaos
Nicolas Ritoux
collaboration spéciale, La Presse

C'est demain que sort en magasin la plus grande production en jeu vidéo jamais réalisée au Québec: Splinter Cell: Chaos Theory, conçue par le studio montréalais d'Ubisoft.

La Presse, qui en a fait l'essai, profite de l'occasion pour remonter aux origines de ce projet qui a mobilisé 240 concepteurs pendant plus de deux ans.

Quand le dernier épisode de la série Splinter Cell: Pandora Tomorrow est sorti du studio Ubisoft de Shangai il y a deux ans, les collègues montréalais planchaient déjà sur Chaos Theory. Car leur travail s'est inspiré directement du premier épisode, réalisé aussi à Montréal en 2002, sans suivre la direction prise par les concepteurs chinois.

Deux ans, c'est une éternité pour un éditeur de jeux. Mais le temps constitue parfois le premier ingrédient d'un produit de qualité: pendant les premiers mois, l'équipe du boulevard Saint-Laurent n'a pas touché à un seul ordinateur, ne faisant qu'échanger des idées autour d'une table.

½On a eu les meilleures conditions de production possibles?, résume le directeur de création, Clint Hocking. Le résultat en vaut la peine, puisque, comme on vous le précise dans notre critique en page 2, Chaos Theory est un jeu en béton.

Son scénario, qui est inspiré des intrigues politico-militaires de l'auteur américain Tom Clancy - un agent secret américain, Sam Fisher, doit plus que jamais empêcher, de ses propres muscles, le monde occidental de sombrer dans la Troisième Guerre mondiale, toujours à un cheveu d'être déclarée - ne fait pas que servir de prétexte aux belles images, mais s'imbrique dans l'action avec une homogénéité rarement observée.

½On n'a pas engagé un auteur pour nous livrer un scénario fini, ou même pour écrire l'histoire une fois le jeu terminé, ce que trop d'éditeurs font. On a plutôt fait progresser l'histoire par allers- retours entre les éléments visuels, les impératifs d'interaction, et l'intrigue géopolitique qui sert de toile de fond?, poursuit Clint Hocking.

½Par exemple, on a laissé tomber plusieurs versions possibles qui se passaient en Europe de l'Est ou en Afrique du Sud. On a étudié une centaine de missions possibles avant d'en choisir une douzaine qui fonctionnaient ensemble.?

Vive les détails

Au même moment, les graphistes travaillaient sur une foule de petits détails qui font la différence entre un bon et un excellent jeu, même si la plupart passent inaperçus.

½On a travaillé dur pour que le joueur se sente vraiment dans les endroits qu'on met en scène, notamment en soignant les traits culturels des personnages et les environnements. Dans la cantine d'une caserne nord-coréenne, par exemple, on a installé un type de rangement pour les bols qu'on trouve seulement dans les cuisines de là-bas.?

Mais pour être sûr de ne pas tomber non plus dans l'extrême de la contemplation, Ubisoft a engagé des conseillers d'expérience venus du cinéma, comme Andrew Davis, scénariste auquel on doit entre autres Le Fugitif, avec Harrison Ford.

½Il s'est occupé d'insérer une vision cinématographique à Chaos Theory sans que le joueur reste les bras croisés pendant que l'histoire se déroule?, explique Mathieu Ferland, producteur du jeu, qui avait aussi travaillé sur le premier épisode.

½Grâce à lui, on a créé des scènes particulières à haute intensité dramatique qui impliquent le joueur. En fait, les émotions qu'on cherche, ce sont la proximité, la tension et la difficulté de faire un choix à des moments cruciaux. On a regardé plein de films intenses comme la série des Die Hard ou des Mission: Impossible. On s'est ensuite demandé comment traduire cette intensité dans un contexte d'interactivité, tout en conservant un rythme assez lent pour que le joueur ne passe pas son temps à éteindre des feux. On utilise à fond la lenteur pour faire jaillir l'intensité.?

La musique, qui devient presque un personnage du jeu puisqu'elle varie en fonction de l'action, a été composée par un autre Montréalais, Amon Tobin. Habitué à travailler sur de bons vieux rythmes binaires, il s'est retrouvé à créer des atmosphères subtiles dont le rythme, justement, est totalement imprévisible.

½On m'a demandé d'écrire pour ce jeu une trame contextuelle?, a-t-il raconté entre deux prises de son en vue de ses concerts à Montréal ce week-end. ½Ãa consistait à écrire un thème pour chaque mission, qui se subdivise en quatre niveaux d'intensité en fonction de ce que fait le joueur. Ãa va de calme à tendu, jusqu'à la panique totale.?

L'exercice est difficile pour un musicien habitué à décider lui-même comment s'organise son morceau, et quand chaque note va être jouée. ½Il fallait surtout prévoir des transitions qui paraissent logiques entre des séquences qui peuvent apparaître à tout moment. J'ai dû composer une transition d'entrée et une autre de sortie, pour chaque niveau d'intensité de chaque mission du jeu.?

½C'était vraiment plus de travail que ce que j'aurais cru, mais j'ai été motivé par les concepteurs du jeu qui travaillaient tous fort pour faire les choses au mieux?, dit Amon Tobin, qui pense avoir gagné lors de cette expérience une nouvelle approche créative qui lui servira pour ces prochains albums. ½J'ai appris à travailler dans des paramètres très spécifiques, et à satisfaire d'autres gens que moi-même?, conclut-il.

Indiana Jones contre les Coréens

Bien qu'il mette en scène des héros américains et s'apprête certainement à engranger des recettes multimillionnaires aux ?tats-Unis, Chaos Theory nous fait le plaisir de nous épargner le syndrome de persécution terroriste de nos voisins du Sud. En fait, la seule menace contemporaine mise en scène est la Corée du Nord, qui lance un missile sur un navire américain, façon Pearl Harbor - mais on apprend plus tard que c'était une erreur involontaire.

½On met en scène des méchants de toutes les nationalités, mais à la manière de James Bond ou d'Indiana Jones. On évite d'évoquer les conflits actuels, non seulement parce qu'on risque d'arriver en retard après deux ans de production, mais aussi parce qu'on ne veut offenser personne?, explique Clint Hocking.

Question de respect, les concepteurs sont même allés jusqu'à faire parler leur langue maternelle à tous les Sud-Américains, Coréens ou Japonais du jeu- ce qui donnera sûrement un avantage aux joueurs de ces pays!

Conférence universitaire sur Splinter Cell

Le groupe de recherche montréalais en ½ludologie?, Montreal Game Code, organise demain à l'Université de Montréal une conférence sur la série de jeux vidéo Splinter Cell.

Des chercheurs en décortiqueront ½l'espace d'appropriation? et autres ½configurations intra et extra-diégétique?, en passant par ½le déploiement et la saisie de la zone de transfert?. Si après ça, vous croyez encore que les jeux vidéo sont pour les enfants de 12 ans, c'est que vous n'avez rien compris au ½caractère ambivalent de la posture immersive convoquée par le jeu vidéo?.

? l'Université de Montréal, jeudi à 14 h, dans la salle B-4315 du pavillon 3200, rue Jean-Brillant. Entrée gratuite.

je pense que dans l'immédiat une seule console est hors course: la X box.

Worldwide Hardware Sales (End of 2004)
PlayStation 2 - 81.39 million
Xbox - 19.9 million
GameCube - 18.03 million
Game Boy Advance - 65.74 million
Nintendo DS - 2.84 million
Sony PSP - 0.51 million
N-Gage - 1.3 million
PSone - 101.73 million