Le commentaire d'Arronax :

Cette histoire est un pur produit 100% Bda.
Je l’ai en effet écrite dans le cadre d’un « petit jeu » qui s’est déroulé sur le forum et dont le thème était la Seconde Guerre Mondiale. En parcourant les six ans du conflit dans mon « Chronique du 20ème siècle », je suis soudain tombé sur un paragraphe qui évoquait la disparition d’Antoine de Saint Exupéry. Et tout de suite, ça a été le déclic. J’aime bien glisser un peu de magie dans mes récits et, étant un grand admirateur du « Petit Prince », je me suis dit que je tenais là une jolie occasion de rendre hommage à son auteur et son personnage.
Voici le scénario original :



Vol de nuit

La silhouette d’un avion militaire français de la Seconde Guerre Mondiale se découpe sur un ciel étoilé, sans nuages. La lune brille de mille feux, éclairant de sa lueur la surface de la mer qui s’étend à perte de vue. Tout est calme.
Narrateur (off) : Quelque part au-dessus de la Méditerranée…

Sur le tableau de bord de l’avion, la jauge de carburant est au plus bas. Une petite lampe rouge vient de s’allumer afin de prévenir le pilote.

Visage du pilote, de face. C’est un homme d’une quarantaine d’années qu’on imagine habituellement rieur et bon vivant. Le caractère dramatique de la situation lui confère une expression grave.
Le pilote : Tu avais raison : « Droit devant soi, on ne peut pas aller bien loin… »

De profil, vue de l’extérieur de l’avion. Le pilote est seul dans sa cabine. Une voix semble provenir de derrière son siège.
Voix : Tu veux venir chez moi ? Le mouton serait content de te revoir, tu sais !

Vue de dessus, l’avion survolant les flots.
Le pilote : Je ne connais pas la route…

Visage du pilote, de face. Un léger sourire lui parcourt les lèvres. Le doigt d’un enfant, dont on ne distingue pas le visage, apparaît de derrière le siège du pilote et désigne un point à l’horizon.
Voix : C’est par là. En bas.
Le pilote : Il y aura assez de place pour nous trois ?

On distingue maintenant le visage de l’enfant. C’est le Petit Prince…
Petit Prince : Il faudra peut-être se serrer un peu, mais ça va aller… Tu as peur ?
Le pilote : Non.

Vue d’ensemble. La mer dans son immensité sous un ciel de nuit. Une étoile brille un peu plus fort que les autres. L’avion a disparu.
Narrateur (off) : Malgré de nombreuses blessures et une interdiction de voler, Antoine de Saint-Exupéry insiste pour obtenir des missions. Le 31 juillet 1944, il s’envole de Borgo, en Corse, pour rallier le continent. Il ne reviendra jamais.


La version de Franck

La version de Ham

La version de Mosc

La version de Kya

La version de 2goldfish



C’est moi qui ai contacté Franck. J’avais beaucoup apprécié son travail sur « L’enterrement » et je trouvais que son style pourrait bien s’accorder avec cette histoire. Je crois d’ailleurs que je ne me suis pas trompé car, lorsqu’il me l’a envoyée, je suis immédiatement tombé sous le charme. Outre le fait qu’il se dégage véritablement de cette planche une atmosphère, une douceur, particulières, j’adore son découpage. La correspondance entre les cases 1, 5 et 8 est tout simplement géniale. La chute, avec les étoiles et le trombone, est elle aussi très émouvante !
En plus, cerise sur le gâteau, il a même réussi à y placer le mouton qui ne figurait pas sur le scénario original !





Commentaire de Maicool :

Porter une appréciation sur un scénario n’est pas chose aisée, surtout quand le dessin est déjà fait. Le risque est toujours de juger le dessin avant l’histoire et c’est bien le drame du scénariste de bd, son travail passe au second plan lors du premier coup d’œil.
Pour cette histoire, j’avais le choix entre ignorer les adaptations ou les regarder toutes ; j’ai choisi la seconde option.
A la lecture du texte, j’ai constaté que le dessinateur, qui adapte cette histoire, a la même surprise que celui qui lira sa planche, il lui reste à entretenir le mystère graphiquement.
Pas de description détaillé du physique du pilote, on ne sait pas si il est blond ou brun ou chauve, Arro s’attache à sa personnalité, « rieur et bon vivant », et cette construction préserve la fin de l’histoire. La suite entretient ce mystère avec la main d’enfant qui apparaît, puis on découvre le Petit Prince et on conclue sur son créateur…
C’est une grande marge de liberté que laisse Arronax au dessinateur, l’ambiance est plantée, mais il reste un espace pour s’exprimer dans les détails. On retrouve cela d’ailleurs dans les différences et les choix des dessinateurs.
Mais cette liberté, qui peut être un cadeau pour le dessinateur,  peut être aussi un piège pour le scénariste, car il peut subir des choix qui casse le rythme ou la chute du récit.
Sur ce dernier point, je vous laisserai juge, en trouvant vous-même celui ou celle qui a le mieux respecté le récit…
Maicool (qui n’a jamais adapté de scénario d’Arronax )





Le commentaire de Moutch .

Selon moi, cette histoire et cette planche se révèlent les parfaits reflets des qualités de scénariste que possède Arronax...
 
Comme le Petit Prince dans cette page, il sait suggérer, se montrer accueillant, nous rassurer, nous diriger... pour mieux nous faire plonger ensuite. C'est comme s'il se cachait dans notre dos pour en sortir à la dernière case et nous faire piquer du nez... C'est comme s'il était lui-même le Petit Prince... Comme s'il voulait nous faire croire que le mouton serait content de nous voir, nous aussi. Comme s'il voulait nous dire qu'il y aurait assez de place pour nous tous... Et nous, crédules et courageux à la fois, nous plongeons... en se disant que, s'il fallait se serrer un peu, nous nous serrerions. La force d'Arronax, c'est de se mettre à la place de ses personnages et de parler avec leurs mots à eux...
 
Antoine de Saint-Exupéry n'aura pas eu la chance de connaître le square des épitaphes, ni de participer à une partie de chasse avec l'excentrique Régis. La prière d'Eireen n'aura rien changé à sa destinée ; en vérité, cela lui était égal... il faisait confiance au Petit Prince. "Tu verras, on sera bien là-bas, croix de bois, croix de fer..." lui avait-il dit. Mais qui sait ? Peut être a-t-il eu la chance, là où il est, de côtoyer l'Empire des Fils de Poséidon...