Pour
poursuivre ce dossier, voici une planche de SwaN commentée par SwaN et
qui n'échappe pas ensuite aux critiques acerbes de deux membres
éminents de l'Académie de Bande Dessinée Mondiale.
L'analyse de SwaN :
Sur cette planche j'ai essayé de donner un aspect cinématographique à mon travail.
Le personnage arrive d'on ne sait où, dans un environnement délabré et
découvre l'horreur d'une croix nazie comme un cheveu dans la soupe.
Case 1 et 2 ce sont en fait la même scène, je l'ai découpée en deux
cases pour accentuer la sensation d'un personnage arrivant dans la
scène. La première case vide sous entendant que le personnage était
déjà passé par là avant que le lecteur ne s'aperçoive qu'il est en case
2.
Case 3, mise en place du décor, pour que le lecteur sache où il se
trouve, un décor délabré, au fin fond d'un désert sous un soleil de
plomb.
Case 4, le darKCain entre dans la pièce, toujours dans la pénombre, son
visage étant caché habituellement par son chapeau et ses lunettes, ce
genre de mise en scène contribue au mystère du personnage. Même si il
n'était pas dans la pénombre on ne verrait pas son visage.
Case 5, le symbole du serpent, sous entendant qu'il va se passer
quelque chose. J'aime beaucoup jouer avec ce genre d'éléments dans une
mise en scène, d'autant plus que ça peut coller avec à peu prêt
n'importe quoi.
Case 6, vue de dessus, je ne voyais pas comment cadrer autrement sans
ennuyer le lecteur ni sans tomber dans le redondant. J'ai donc opté
pour une vue de haut afin de surprendre à la lecture, pour une scène en
fin de compte tout à fait banale.
Case 7, 8 et 9 : découverte des symboles nazis, d'abord un gros plan
sans savoir à quoi cela correspond au juste, la deuxième case laisse
toujours dans le flou et c'est en découvrant la troisième case que l'on
fait le rapprochement avec l'aigle nazi et la symbolique militaire.
L'analyse de Gregor :
Les planches de Swan sont souvent le fruit de deux expériences. Celle
d’un dessinateur couplée à celle d’un graphiste. Dans cette planche les
denticules de bobine de film sont un indice de lecture temporel. Les
deux strips panoramiques en étirant dans le temps une action brève
confirment cette volonté cinématographique.
L’insertion de plans symboliques est l’une des constantes de ce premier
chapitre du Darkcain. Ils sont là pour ajouter à l’ambiance bien sur,
mais surtout pour nous dévoiler l’état d’esprit du personnage. Swan
n’utilise le symbole que d’une manière instinctive, il ne cherche pas
de justification intellectuelle poussée, il illustre juste l’état
d’esprit de prédation du personnage. C’est ce qui fait la force de
cette page et de ce chapitre d’introduction, car Swan pose bien
toutes les règles : « Darkcain est un instinctif ne cherchez pas
de signification à ses actes ».
La croix gammée, l’aigle du troisième Reich et le Darkcain qui salut le
drapeau, finissent de poser le ton. Il n’y aura pas de consensus dans
cette bande dessinée, le Darkcain est un malade tenez-vous le pour dis.
L'analyse de Nicolas-Alexandre De La Tour :
Critique de la page 2 du darkCain
Par Nicolas-Alexandre De La Tour
Étudiant en histoire de l'Art, Université de Harvard
Ce n'est sans camoufler une joie et une excitation que je pourrais
qualifier de "pré-copulatoire" que je m'attèle aujourd'hui à abreuver
les lecteurs de ce dossier d'une critique juste et posée sur la planche
de SwaN, un auteur qui, bien qu'il ne fasse pas partie de la "nouvelle
école en train de naître", a su s'imposer sur le net. Certains
médisants vous diront que c'est en raison de sa taille, je ferai partie
des autres.
Alors, sans plus tarder, allons-y étapes par étapes.
Strip 1.
On peut voir que SwaN s'imagine détenir toutes les libertés. En
effet, séparer le strip 1 en 2 cases était tout à fait inutile puisque
les plus érudits d'entre vous auront remarqué qu'il n'y a aucun
changement de plan dans la case 1 et 2. La case 2 est la
continuité de la case 1. Évidemment, les jeunes d'aujourd'hui
qualifieront cela de "style", de "in" et de "tendance", mais nous
devrions cesser de négliger nos aïeux qui sont morts pour nous.
Nous n'avons qu'à penser à Jésus-Christ qui est le premier exemple qui
me passe par la tête.
Strip 2.
Dans la continuité des anomalies, on peut voir la case 4 superposée à
la case 3. Ce qui est particulièrement fâcheux. Je vous
explique pourquoi. En effet, cela nous empêche de voir l'arrière
de la cabane où le darKCain pénètre et par le fait même, on ne peut
donc pas déterminer si l'habitant jouit d'un balcon arrière où il
pourrait siroter un thé au citron en toute intimité.
La case 3 évoque le retour à la maison, la joie et l'émotion qui noue
la gorge au principal protagoniste. (Si, si, j'ai étudié la
psychologie aussi avant l'Histoire de l'Art). La case 4 a subi un
étrange "flou artistique" qui nous laisse croire que l'auteur, SwaN en
l'occurence, n'a pas mis au clair certains éléments dans sa vie.
Ce "flou artistique" est une forme d'appel à l'aide à ses lecteurs
avant que la folie n'emporte l'auteur, dépossédé par son oeuvre.
Strip 3.
Ah le strip 3! La case 5 évoque sans hésitation la peur de
l'engagement de l'auteur. "De l'auteur?" me répondrez-vous,
interrogatifs. "Oui", vous répondrai-je ensuite. Car après
une analyse du projet darKCain, j'ai pu déterminer que ce projet est en
fait une forme d'autobiographie de l'auteur qui raconte sa vie à
travers des images comme le "flou artistique" évoqué dans le paragraphe
précédent. Ici, il a représenté un serpent qui rôde autour d'un
crâne de vache. Le serpent représentant évidemment la copine de
l'auteur qui lui donne l'impression de se resserrer autour de lui pour
ne plus lui laisser de liberté. Le crâne représentant évidemment
SwaN, puisqu'il s'agit d'un crâne de vache et qu'il est connu que les
vaches ont un bon appétit, un peu comme SwaN.
La case 6 est pour sa part tout à fait illogique car aucune "caméra" ne
pourrait avoir été placée à cet endroit puisqu'on y retrouve en toute
logique "le plafond". Et à ceux qui me répondront que la "caméra"
se trouve attachée au "plafond", je rétorquerai que le darKCain n'est
pas dupe à ce point et qu'il aurait bien remarqué cette "caméra".
Ce que les lecteurs peuvent parfois être crédules!
Strip 4.
Certains de mes compatriotes de classe ont été outrés par le quatrième
strip. Je dois avouer que j'ai été quelque peu choqué aussi, pour
la même raison qu'eux. Inscrire la pagination en empiêtant sur
une case est évidemment un manque de goût flagrant. Mais plus
rien ne devrait nous étonner de la part de SwaN, un auteur en marge qui
est capable de réciter l'alphabet en rotant.
Niveau graphique, les deux premières cases rappellent les débuts de
certains auteurs de bande dessinée comme Hergé. En effet, en se
concentrant un moment, on visualise clairement une petite houpette sur
la tête du darKCain. Qui l'en blamerait? Hergé a influencé
nombre de grands auteurs comme Alain Poster ou Van Hamme, pour ne citer
qu'eux.
La dernière case, avec sa bulle sans texte, nous fait clairement
ressentir le malaise du darKCain face à ce drapeau qui prend la
poussière dans la cabane et qu'il serait de bon goût de jucher sur le
toit de la dite cabane.
En résumé, SwaN est un auteur qui puise ses influences dans des films
comme "Crossroads" de Britney Spears, dans des albums de bande dessinée
comme "Ukulélé" de Joan Sfar et dans des disques comme "Ça fait rire
les oiseaux" de La Compagnie Créole.
Ayant pour ma part saisi le principal de l'oeuvre du bonhomme, je
considère sérieusement d'en faire le sujet de ma maîtrise. Tout
cela dépendra évidemment de nos disponibilités respectives, sachant que
nous sommes tous deux fans de la télésérie "Ally McBeal".
Sur ce, merci de votre écoute et à la prochaine pour une critique signée
Nicolas-Alexandre De La Tour
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