Pour
poursuivre ce dossier, voici une planche de Djiheff commentée
par Djiheff et qui n'échappe pas ensuite aux critiques
acerbes de deux membres éminents de BDA.
L'analyse
de Djiheff :
J'ai fait cette planche il y a environ deux ans.
Il s'agit d'une série intitulée "
Il ne s'est encore rien passé " : le principe
est un salon avec un canapé, une table et une
télé et éventuellement un personnage
qui ne fait rien. Principe un peu transgressé
ici, puisqu'il regarde la télé (mais est-ce
que ce n'est pas ne rien faire ?).
A cette période, je venais de changer assez radicalement
de vie, je me remettais après bien longtemps
au dessin et je vivais sans canapé ni télé
Cette série avait au départ pour objet
de m'entraîner pour faire une bd plus longue.
Le sujet de cette planche est difficile. J'ai souvent
l'envie de parler de ces sujets ou plus exactement de
ce que je ressens par rapport à ça. Avec
énormément de difficultés.
Ici, par le biais de ces contraintes quasi-oubapiennes
et grace à ce personnage qui se retrouve inactif,
vide du vide qui l'entoure et vide de son inactivité,
j'ai pu raconter cette évidence, ce paradoxe
vital qui peut nous habiter.
Le découpage assez simple du gaufrier fonctionne
bien grace aux prises de vue successives : champ/contre
champ/zoom avant/contre champ éloigné/gros
plan et enfin un long zoom arrière sur la moitié
de la planche. L'intrusion de l'irréel permet
de nommer l'innommable. Le dessin est pourtant assez
maladroit, le lavis pas tout à fait convaincant
mais l'ensemble me plait assez.
Sur une autre planche de la même série
consacrée à la guerre civile au Soudan,
l'image est du domaine de la sensiblerie, elle ne vient
pas enrichir le texte d'émotion comme ici.
C'est donc une planche, malgré ses défauts
visibles, que je suis assez fier d'avoir réalisée,
ce qui n'est pas vraiment fréquent !
L'analyse de Kya :
Poème
: Il ne s'est rien encore passé aujourd'hui !
"Journée
endormies et nuits évéillées,
Aujourd'hui il ne s'est rien passé.
Enfermé
dans sa monotonie nocturne,
L'homme est là
Enchaîné à son canapé
Bras et jambes croisées
Cherchant l'espoir éternelle
De la Grâce télévisuelle
Mais il se retrouve confronté
Face aux témoins du Passé.
L'homme est là:
Assis devant l' urne.
Prisonniers
d'un autre temps
Les spectres s'avancent vers le présent.
Innocents condamnés à la souffrance,
La mort comme unique délivrance,
Ils observent leurs bourreaux
Sans un bruit
Sans un mot
Seul un cri:
Silencieux.
Un regard:
Perdu.
Ignorant qu'il a trouvé refuge
De l'autre côté du temps.
Ses
yeux trahissent le remord,
Rongé par le tort
De sombrer dans l'oublie.
Il est coupable
Hanté d'un crime incommis
Sur son semblable.
Tous les deux sont spectateurs
De L'Humanité et ses horreurs.
Questions demeurrant sans réponses
Douleurs à jamais gravée
Dans leurs corps mutilés
Un bref instant immortalisé.
Journée
endormies et nuits éveillées.
Aujourd'hui, il ne s'est encore rien passé. "
Kya,
Psychologue et poète anonyme.
N'accepte pas les chèques, ni les cartes bleues.
L'analyse
de Pilou :