Après le truculent dossier "entre quatre planches" sur SwaN, le deuxième de ces portraits est consacré à Nemo7.

À quand remonte ta première envie de faire de la bande dessinée?
J’en ai fait tout petit, des histoires de super-héros ou de gentlemen cambrioleurs, puis j’ai
"Avant de penser au résultat, c’est surtout le boulot en lui-même qui reste passionnant."
complètement arrêté pendant pas mal de temps. Je n’ai repris que plus tard avec des strips qui mettaient en scène des personnages à la « Peanuts ». C’était du comique verbal, cynique… et super mal dessiné !

Peux-tu dire ce qui te pousse à faire de la bande dessinée ?
Raconter des histoires ou des « moments ». Faire rire, installer un univers, une ambiance. Et puis, avant de penser au résultat, c’est surtout le boulot en lui-même qui reste passionnant : écrire, faire un découpage, travailler sur la fluidité, la lisibilité, la compréhension d’une scène, d’une grimace… Et au final, créer quelque chose de cohérent et d’original…

Quel était ton état d’esprit quand tu as terminé ta première bande dessinée ?
Euh… Je ne m’en souviens pas bien à vrai dire. Je pense que je devais être super content, fier comme un paon et j’ai du vouloir l’envoyer à Fluide Glacial, un truc comme ça. La mine déconfite de mes parents (« et tes devoirs ?») a dû me refroidir.

Quelles études as-tu fait pour dessiner si divinement bien ??? Est-ce inné ou est-ce le fruit d'efforts acharnés à croquer tout ce qui bouge et à suivre des cours académiques de dessin ?
Uh uh ! Merci pour le compliment ! (même si je n’en crois pas un mot, vilain flatteur ^^). Je suis complètement autodidacte, les seuls cours de dessin que j’ai suivi étant ceux du collège et du lycée. Je ne fais pas beaucoup de croquis d’après nature non plus, même si je sais que je devrais le faire. J’ai surtout bossé chez moi, en regardant comment faisaient les autres.
"Les meilleurs cours de bd on les trouve dans les bd, pas dans les manuels."
Pourquoi avoir choisi la BD comme moyen d'expression plutôt qu'un autre ?
Je ne sais pas trop. Quand on aime dessiner, la bande dessinée vient plus ou moins naturellement si on a des choses à dire, plus que l’écriture par exemple. Au départ, je voulais faire du cinéma (raconter des histoires en images déjà !), mais ça reste une entreprise collective, où le facteur créatif n’est pas forcément toujours prédominant, il y a plein d’autres choses à gérer, technique, personnes etc. Et puis quand on veut être metteur en scène, il faut avoir l’âme d’un leader ce qui est loin d’être mon cas ! La BD, c’est tranquille, on fait son truc dans son coin, sans être embêté. C’est une activité de solitaire mais ça ne me dérange pas outre mesure si après il y a un écho d’un public, quel qu’il soit.

Tu dis que tu as tâté du cinéma et de la télé, peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
J’ai fait des études « Audiovisuel & Cinéma ». J’ai participé à plusieurs courts-métrages entre copains : scénario, story-board, réalisation, et même acteur (un grand moment !). Pour la télé, j’ai été assistant de production sur une chaîne câblée. Une belle expérience, mais difficile de se faire durablement une place si on n’a pas les dents plus longues que le bras. Et puis ça reste au final très peu créatif et assez répétitif.

Pourquoi pas Nemo1 ou 2 ou  3 ou  4 ou  5 ou 6, mais surtout que sont devenus les 6 autres ?
Alors dans l’ordre il y a d’abord eu Ulysse qui dit s’appeler « Nemo » (personne) pour échapper au Cyclope, puis le Capitaine du Nautilus, puis Little Nemo, puis un festival de films, puis deux-trois autres que j’ai oubliés. Je suis donc le septième !! (le petit poisson de Disney étant venu bien après !!).

Ton activité professionnelle, si tu en as une, a-t-elle à voir avec le monde de la bande dessinée ?
Non. Rien à voir.

As-tu déjà soumis tes projets à des éditeurs ?
Oui, une fois. Que des refus évidemment : des lettres-types mais aussi des mots personnalisés, ce qui, dans une réponse négative fait tout de même plaisir (« Monsieur, nous ne sommes pas intéressés par votre projet, et non, nous ne vous rembourserons pas les frais de timbres ».)

Au stade où tu en es aujourd’hui, quelles sont tes aspirations en matière de bande dessinée ?
Continuer à me faire plaisir, à raconter des histoires qui me tiennent à cœur. Ce serait évidemment faux de dire que je ne cherche pas à sortir du cadre paradoxalement confidentiel qu’est le web. J’ai deux trois projets que j’aimerais bien mettre en place une fois pour toutes, et si j’en suis content, je démarcherai des éditeurs, ou des magazines. Quand on fait de la BD, on a forcément envie d’être lu, et si c’est par un nombre important de personnes c’est forcément mieux.

Participes-tu à des fanzines ou à des publications diverses ?
Actuellement, je participe au (merveilleux ! sensationnel ! extra !) fanzine Onapratut ; j’y suis depuis le début soit cinq numéros. C’est tout ! Je ne suis pas trop l’actualité des fanzines, je suis un peu paumé devant tout ce qui peut sortir !

Tu peux nous parler un peu de "vie et mort d'un blog" ? et de sa suite ? hein ? dit ? s'il te plait ?
Au départ, c’est Everland qui avait créé un jeu inter-blogs : six vignettes muettes que chaque participant devait utiliser pour inventer une petite histoire. Je me suis pris au jeu et j’ai fait les 25 strips qui ont donné « Vie et mort d’un blog ».
Récemment, j’ai voulu reprendre le personnage. J’avais encore des trucs à dire ! J’ai eu la permission d’Everland pour utiliser ses dessins et je fais maintenant des strips réguliers mettant en scène ce personnage de dessinateur-blogger-loser. Et non ça n’est pas autobiographique (enfin pas toujours). C’est un bon exercice d’écriture, je trouve, une cadence régulière comme celle-là impose un décrassage de neurones intensif ! Je ne sais pas trop combien de temps je vais tenir par contre !

Que t’ont apporté les diverses rencontres que tu as pu faire dans le monde de la bande dessinée ? Sur BDA ou ailleurs ?
Sur BDA, c’est évident : un regard sur son travail. Des avis, des critiques et puis des encouragements. Bosser tout seul dans son coin, ça va bien un temps mais si après on n' a que l’avis de sa copine on va pas bien loin. Surtout si cette copine ne pige rien à la bande dessinée et pense que Corto Maltese est le nom d’un plat épicé mexicain à base de guacamole. Une communauté comme BDA c’est l’idéal pour se frotter aux lecteurs, et aux autres auteurs qui connaissent le boulot. Au-delà de ça, j’ai aussi rencontré quelques personnes qui sont devenus de réels potes.

Il semble que tu produises également pas mal d’illustrations. Quels liens établis-tu entre ce travail et celui de la bande dessinée ?
J’adore faire des illus pour des raisons très simples : la rapidité d’exécution par rapport à une planche, et l’entraînement que cela procure au niveau du dessin. N’étant jamais sûr de moi, de mon trait, j’ai besoin de cet échauffement régulier, comme un pianiste et ses gammes. Et enfin, c’est dans les illustrations que je teste des trucs : un trait, une technique, une mise en couleur, une ambiance. Si le résultat me plaît, je mets l’idée de côté pour m’en resservir éventuellement sur une BD.

Tes productions sont assez diversifiées : récits courts, strips, récits longs ? Pourquoi cette diversité ? As-tu une préférence particulière ?
Je ne sais pas pourquoi. C’est venu comme ça, naturellement. Il y a des histoires qui peuvent se limiter à trois planches et d’autres qui « appellent » au format long. Ça dépend vraiment de chaque univers en fait. Sick Tracy c’est une parodie de film noir, avec une intrigue précise, ça ne peut jouer que sur la longueur, et puis il y avait cette idée de feuilleton improvisé avec des « à suivre » énervants ! Les strips, c’est beaucoup plus simple, trois ou 4 cases, un gag, c’est une gymnastique, un exercice extra lorsqu’il s’agit
de faire passer une idée, une connerie en très peu de cases, en un minimum de mots, c’est une question de rythme, d’efficacité immédiate.

Te sens-tu influencé par d’autres modes d’expression ?
La peinture souvent, mais le cinéma surtout. Pour Sick Tracy, c’est évident puisque tout tourne autour du septième art. Il y a beaucoup de références cinéphiliques, plus ou moins évidentes d’ailleurs, et
"Je suis un gros mangeur de sites, de blogs, de presse, d’images en tout genre"
puis aussi des effets de narration : j’essaye des cuts, des ruptures, des « plans fixes » ou des zooms. Penser au cinéma, à des mouvements de caméra, forcément impossibles à retranscrire sur papier, cela donne toutefois une cohérence au découpage, et un rythme intéressant.
Le cinéma m’inspire aussi dans les couleurs, et plus particulièrement le Technicolor hollywoodien des fifties. J’ai toujours trouvé ça magnifique ! Il y a des couleurs vives, mais jamais criardes, c’est toujours superbe visuellement. Même le pire des navets de cette période aura quelque chose d’attachant et de lumineux grâce à ces teintes si particulières ! Je pense souvent à quelques-uns de ces films quand je fais une mise en couleurs.

T’inspires-tu de personnes, de faits réels pour créer tes personnages, tes histoires ?
Si on m’avait posé cette question il y a deux mois, j’aurais dis non. Je reste toujours dans la fantaisie, l’imaginaire. Mais depuis que j’ai commencé à faire les strips de « leblog », je me sers beaucoup de mon quotidien, de mon expérience personnelle, ou de ce que je peux voir sur le web. Mais ça reste toujours dans le domaine du rigolo, je ne pourrai pas m’attaquer à un fait-divers ou à un événement politique. Je n’arrive pas à traiter le réel tel quel.

As-tu déjà écrit des scénarii pour d’autres dessinateurs ?
Non. Mais j’y songe. Il y a des dessinateurs qui m’inspirent, notamment sur BDA.

Préfères-tu travailler seul ou en collaboration ?
L’avantage d’une collaboration, c’est que la responsabilité est réduite de moitié si le résultat est mauvais ! (« ah oui, je sais là c’est raté, mais c’est à cause de ce salaud de scénariste, il écrit comme il parle, on comprend rien !... »). J’aime bien les collaborations, surtout quand tout est bien avancé : un découpage tout prêt et des dialogues chiadés. Plus rien à faire. Ou presque !

Regardes-tu souvent la production des autres BDA ? Qu’y cherches-tu ?
Oui tout le temps. Je n’y cherche pas grand chose de précis, seulement voir ce qui se fait, prendre ma dose quotidienne d’images ! Je suis un gros mangeur de sites, de blogs, de presse, d’images en tout genre, pas seulement de BD. BDA c’est pratique parce que tout est concentré, avec tous les genres, même les commentaires sur les planches des autre m’intéressent, on y apprend beaucoup.

Tu étais un super sympa abonné de chez BDA mais depuis un certain temps je ne te vois plus ...
toi aussi tu as beaucoup de travail au point de ne plus souffler 5 mn ici ???
Je participe moins au forum effectivement, mais je passe toujours régulièrement. Pas trop de temps effectivement, et puis pas toujours de choses pertinentes à dire, tout simplement ! Il y a des périodes comme ça !

À quel moment de ton travail te poses-tu le plus de questions ?As-tu le plus de doutes ?
Sur le premier crayonné, quand il faut commencer, c’est le plus dur. Se lancer sur le blanc c’est super intimidant. Je remets toujours le moment à plus tard pour m’y mettre (« ah tiens si j’allais d’abord voir comment Moebius dessine une girafe avant d’en faire une ? »). Une fois que c’est parti, après ça file plus ou moins, c’est plus facile.

J'ai lu et beaucoup apprécié les 3 planches de "Tribunal". J'ai aussi eu l'occasion de voir récemment l'illustration que tu as réalisée pour une librairie. J'aimerais savoir sur quel genre de projet(s) tu bosses en ce moment?
"Tout d’un coup, la couleur m’apparaît « évidente »"
J’ai un scénario de Gregor à dessiner. C’est un truc vraiment astucieux, super bien écrit. Et puis, un autre gros projet qui couve : c’est encore autour de Sick Tracy, une refonte totale du feuilleton publié sur le web pour en faire quelque chose de plus cohérent, plus serré scénaristiquement, et j’espère un peu plus maîtrisé graphiquement. Deux, trois autres projets : continuer la série « Vilain ! » bien sûr (c’est là-dessus que je m’amuse le plus jusqu’à présent), et des autres trucs encore à l’état d’ébauches.

As-tu un scénariste attitré ?
Non pas du tout. J’ai bossé avec Baril, Everland ou Gregor pour des petits trucs. Il faut évidemment que je sois à l’aise avec le scénario, l’univers mis en place, et je dois pouvoir me sentir capable de mener le projet à terme. Si les images viennent tout de suite à la lecture du scénario, c’est bon signe. En tout cas, une fois les questions de planning réglées, je suis ouvert à toutes les collaborations !

Tu peux nous donner la fin de Sick Tracy en exclusivité pour BDA ? hein ? dis ? hein?
Oui bien sûr, c’est normal, ça fait plaisir : alors en fait, après une enquête qui s’avère mouvementée, Sick va finir par découvrir l’incroyable vérité sur la mort du cinéma et le
mystérieux Winfred Buddha. En fait, le coupable c’est ndsjkvl vppe oojre fekpzof poez,p ; !! (passage sous un tunnel, désolé pour les interférences)

Ton registre, c’est plutôt la parodie, l’humour souvent poussé jusqu’à une certaine absurdité. T’es-tu déjà essayé à autre chose ?
J’ai dans mes cartons, des petits projets d’histoires qui ne sont pas du registre comique. J’en ai commencé une dernièrement « Catalano », c’est plus une question d’ambiance, un peu nostalgique, un peu mystérieuse. Et puis j’ai cette histoire qui s’appellerait « Derrière le Gris », une histoire euh… « fantastico-poétique » en une dizaine de planches. Reste plus qu’à m’y mettre…

Mais pourquoi est ce que tu détestes autant les ascenseurs?
Je n’ai rien contre les ascenseurs, je trouve ça même plutôt pratique. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, mon meilleur ami est un ascenseur.

Qui est ce Langridge que tu cites parmi tes influences ?
Roger Langridge ! Un super dessinateur complètement inconnu en France. J’avais découvert son boulot dans le Comix 2000 de L’Association. On peut se procurer quelques-uns de ses bouquins sur le net en import. Je veux bien que les éditeurs français ne m’aient pas encore édité (ah ah uh !) mais ne pas sortir du Langridge c’est passer à côté de quelque chose de vraiment excellent !

Qu’éprouves-tu une fois qu’une histoire est achevée ?
En général, je suis relativement satisfait. Pas forcément du résultat mais parce que le truc est fini, bouclé, avec ses qualités et ses défauts, et on peut passer à autre chose. En général, une fois la planche ou le dessin terminé, je ne reviens pas dessus, j’évite même de le revoir parce que je sais que tous les défauts vont me sauter aux yeux.

Pour toi, la bande dessinée, c’est écrire ou dessiner ?
Écrire en images, en cases. Ça doit être ça. Ce qui est sûr c’est que personnellement, je fais un découpage précis avant de commencer le dessin pour voir comment tout s’enchaîne. Donc effectivement, cela s’apparente plus à de l’écriture, chercher le bon mot, le bon rythme, sans lourdeur ni redite.
(Ah ouais mine de rien c’est une bonne question ça ! :-D )

Travailles-tu régulièrement ou bien par périodes ?
Régulièrement, dès que je le peux. C’est-à-dire tous les jours, la durée étant variable, et les résultats totalement irréguliers.

Ton processus de création répond-il toujours au même schéma ou est-ce à chaque fois une nouvelle expérience ?
Je fais d’abord place net sur mon bureau. La planche en face de moi, la trousse à crayons à droite, et à ma gauche une pile de feuilles de brouillon pour faire des recherches. Un CD sur la chaîne et c’est parti…


" J’ai dans mes cartons, des petits projets d’histoires qui ne sont pas du registre comique"
Peux-tu résumer les différentes phases qui composent ta manière de travailler ?
Ça dépend de chaque boulot, mais dans les grandes étapes, ça donne ça : une idée arrive, j’écris rapidement le truc, juste décrit, puis je cherche les éventuels dialogues qui permettront ensuite d’élaborer un découpage. Puis, un crayonné au bleu, l’encrage et une mise en couleurs. Voilà, rien de très révolutionnaire !! Il y a juste un truc qui change toujours un peu c’est le texte. Jusqu’au dernier moment je ne suis pas sûr de tel ou tel mot et suis prêt à le remplacer.
Pour une illustration, l’idée peut venir d’un croquis rapidement gribouillé sur une feuille, ou bien l’envie de mettre en place une ambiance particulière ; en général ça va assez vite après cette première « impulsion ».

Cherches-tu une manière de te remettre en cause à l’aide de procédés particuliers ?
Oui et non, j’essaye des techniques différentes, notamment pour les couleurs. Il m’est aussi arrivé de me forcer à travailler avec d’autres outils (« allez aujourd’hui, tu vas faire une planche juste avec un crayon 3B !!  Wéée ! »), mais les résultats ne sont pas forcément concluants!

Dessines-tu en écoutant de la musique ? Laquelle ?
Oui, toujours de la musique, c’est indispensable ! Beatles, Stones et Bowie pour les fondamentaux. Essentiellement de la pop-rock anglo-saxonne donc. Dans les groupes actuels, je dirais Calexico, Grandaddy ou les Dandy Warhols. Et puis, j’ai un autre chouchou: Pat Metheny, j’ai dû écouter chacun de ses albums au moins deux cent fois et je ne m’en lasse toujours pas. C’est vraiment de la musique idéale pour dessiner en plus : de longues plages entre jazz, ambiant et rock, des ambiances vraiment marquantes.

As-tu un rituel particulier dans ton travail ?
Mettre un bon CD, prévoir sa durée en fonction de ce que j’ai à faire et voilà. On peut commencer.

Quels sont tes liens avec Johnny Bangher, et pourquoi sa période new wave fait-elle l'objet d'un tel silence?
Disons que j’ai eu des rapports privilégiés avec Dirk McGoul, l’excellent joueur de balalaïka du groupe. La période New Wave de Johnny Bangher est effectivement excellente, notamment les albums « Des veaux » ou « Peur de musique ».
(Pour ceux qui n’ont rien compris à ce paragraphe, une rapide recherche sur Google vous permettra d’en savoir plus sur Johnny Bangher)

Comment te viennent les idées ?
N’importe quand. C’est parfois en dessinant ; un crobard machinalement exécuté va donner un personnage dont on aimerait en savoir plus. J’aime bien les longues marches aussi. Cogiter en marchant, de préférence rapidement !, c’est super productif ! Tout d’un coup, il y a Ze Idée qui déboulonne sans crier gare, et on sait que c’est la bonne !

Accordes-tu de l’importance à la documentation ?
Oui assez. Même si je ne fais pas du dessin réaliste ou super précis, j’ai besoin de voir comment est fait un objet, un lieu. Et, outre la documentation, je me sers aussi d’albums que j’aime bien. Attention, je pompe pas, hein ! C’est juste voir comment font les autres pour passer d’une case à une autre pour un moment précis, comment ils gèrent les hachures etc. Les meilleurs cours de bd on les trouve dans les bd, pas dans les manuels.

Crayonnes-tu ta page ?
Oui, au crayon bleu. Une fois la page numérisée, j’enlève le bleu sous pshop, c’est pratique, plus besoin de se casser la main à gommer ! Par contre, quand je fais une mise en couleurs type « Tribunal », il n’y a pas d’encrage, et je laisse le crayonné au bleu presque entièrement intact, ça donne de la matière.

Au moment de l’encrage, comment cela se passe-t-il ?
À la plume ou, de plus en plus, au stylo noir tout bête. Le crayonné est là pour me guider, je ne prends pas trop de liberté à vrai dire, un peu timoré encore sur ce coup-là. ^^

Cela te gêne-t-il s'il y a du monde autour de toi quand tu travailles ?
Oui et non. Encore une fois, ça dépend vraiment du boulot. Quelques-unes des illustrations « musique » ou « tour du monde » (cf. my blog) ont été faites en quelques minutes, dans la salle de pause de mon boulot. Avec la machine à café à côté, et les mecs qui parlent du dernier match du PSG. ^^

"je ne suis pas un maniaque du matos"
Quelle place occupe la technique dans ton travail ?
De quelle technique s’agit-il ? Si c’est la technique du dessin, j’ai beaucoup de lacunes : anatomie, perspective… Je tâtonne encore sur pas mal de trucs, d’autant que je n’ai jamais suivi de cours.
S’il s’agit de techniques liée aux outils, je ne suis pas un maniaque du matos, et à part l’ordi et une tablette graphique pour les couleurs, je n’utilise rien de très perfectionné.

As-tu des outils fétiches ?
Non. Je me sers de pleins de trucs différents. Du moment que ça peut tracer un trait sur une page !

La qualité du papier a-t-elle, à tes yeux, de l’importance ?
Ça dépend uniquement de la technique employée pour chaque boulot. Si je sais que je vais bosser à la plume (les premières planches de Sick tracy étaient à la plume par exemple), je vais prendre du papier épais, bristol ou équivalent. Pour d’autres trucs, la plupart de mes dernières illus par exemple, c’est du papier à machine tout bête.

La couleur est, à tes yeux, un petit supplément ou au contraire un élément indispensable ?
Indispensable. De plus en plus, quand je travaille en couleur, je pense dès le début mon dessin en fonction, je sais plus ou moins quelles teintes j’aimerais donner. Le dessin tout seul n’a aucun intérêt.

Combien de temps te prend, en moyenne, la mise en couleur d’une page?
Cela dépend de la technique utilisée. Pour une planche de type « tribunal », c’est assez long, surtout que je cherche toujours des trucs, je tâtonne encore. Je dirai entre cinq et sept heures, mais je progresse, je progresse !...

Tu nous montres à la fois des travaux en noir et blanc et d’autres en couleur. Ceux-ci semblent parfois réalisés en couleur traditionnelle et d’autres à l’aide de l’ordinateur. Comment s’effectuent ces choix ? As-tu une préférence particulière ?
Je ne fais pas de couleurs traditionnelles, ça fait des taches sur les doigts. ^^ Par contre, la technique « Tribunal » fait effectivement un peu penser à du tradi, et c’est un rendu que j’aime bien mais qui est beaucoup plus long que des simples aplats, parce que justement on retrouve un peu les gestes d’une mise en couleur traditionnelle. Sauf que ce n’est pas un pinceau mais un stylet, et ce n’est pas la feuille sous la main mais une tablette graphique. Pour le choix de telle ou telle technique, tout dépend de ce que j’ai à faire, mais c’est vrai que j’ai de plus en plus envie de travailler avec ce type de mises en couleurs, j’y trouve, au final, plus de plaisir et de satisfaction.

Tu as un super talent de dessineux, c'est frappant. De l'humour aussi, c'est marrant. En plus de ça, tu as un sens incroyable de la composition et de la couleur. Peux tu nous livrer un ou deux secrets techniques pour faire de si jolies et percutantes colorisations ? En un mot, comment procèdes tu ?
Pour les couleurs, je fais ça un peu à l’instinct à vrai dire. Je procède par étapes, je change le bleu en vert pour voir ce que ça donne par exemple, c’est l’avantage de bosser en numérique. Je n’ai pas de palette personnalisée, j’y vais un peu au pif, il faut tester, jouer avec les réglages, jusqu’à obtenir une unité cohérente. Tout d’un coup, la couleur m’apparaît « évidente » ; le meilleur choix possible.
Sinon, pour des mises en couleurs style « Tribunal », je donne un effet de matière en jouant sur les différents niveaux d’opacités du pinceau, et en ajoutant du « Bruit » sur le calque de fond, comme une toile. De plus, il n’y a pas d’encrage, juste un crayonné. Ca n’a rien de révolutionnaire, mais ça rend bien !!

Es-tu plus sensible à un travail contrasté comprenant de grandes masses ou à quelque chose de plus linéaire ?
Pour du noir et blanc, j’aime bien des beaux contrastes nets et précis, c’est ce que je tente de faire parfois avec Sick Tracy : du noir, du blanc, pas de gris, pas de trame. Pour la couleur, il faut qu’il y ait au contraire une plus grande unité, une même teinte qui soutient l’ensemble.

Et pour finir quelques questions incontournables…

Cette histoire de mariage entre Nemo7 et un pingouin, c'est vrai?  :o) (cf son blog)
Oui, et je cherche d’ailleurs des témoins.

Nemo7, es-tu bronzé et musclé??
Oui, et j’ai des témoins.

Nemo, c'est parce que tes yeux sont vraiment trop beaux que tu les caches derrière des lunettes noires ou alors tu t'entraînes pour une éventuelle célébrité que tu as peur d'affronter ??? ^^
Nan, c’est surtout que j’avais le soleil dans la gueule et que sans les lunettes la photo dont tu parles aurait eu un caractère nettement moins glamour (plus drôle certes, mais moins glamour).

Si on te coupait les 2 mains, comment ferais-tu pour t'exprimer artistiquement avec autant de talent ???
Je ne sais pas. Je crois que ce serait peut-être enfin le moment pour se mettre aux claquettes.



Merci d'avoir répondu à toutes nos questions, Nemo !
En espérant ne pas avoir été trop rasoir,
Merci à vous !