Régulièrement présent sur le
site, Arronax est un scénariste prolifique qui a
vu se multiplier les collaborations avec de nombreux dessinateurs de
BDA et d'ailleurs. Ses histoires nous touchent
sytématiquement, leur diversité n'a
d'égal que leur justesse de ton. Mais qui donc
êtes-vous Monsieur Arronax ?
Pour
commencer, peux-tu nous dire un petit mot sur ton pseudo...Pourquoi ce
choix ?
C’est
un hommage à
« Aronnax », le narrateur de mon
roman préféré
de Jules Verne : « Vingt mille lieues sous
les
mers »… Je me suis simplement permis de
prendre une
légère liberté quant à
l’orthographe du
prénom…
Ecrire est un
acte important dans ta vie : comment expliques-tu cela ?
Je pense
que je suis né avec des histoires à
raconter… Quand j’étais à
l’école primaire, je portais
déjà en moi une ribambelle de
personnages… Malheureusement ou heureusement,
c’est selon, comme j’étais un
garçon plutôt timide, que je n’aimais
pas trop m’exprimer en public et que je ne savais pas
dessiner, j’ai dû me tourner vers un
médium plus à ma portée pour leur
imaginer toutes sortes d’aventure :
l’écriture. C’est ainsi que
j’ai attaqué mon premier projet de roman quand
j’avais 11 ans…
« ...ce
qui me pousse à faire de
certaines histoires des Bds, c’est le choix de leur
découpage et le plaisir de les voir illustrées
par des images plutôt que simplement esquissées
par des mots. »
|
Qu'est-ce
ce qui
te pousse à écrire pour la bande
dessinée ?
J’ai
le sentiment que les histoires se prêtent
davantage à tel média plutôt
qu’un autre. Je ne crois pas, par exemple, que
« Régis Dumesnard n’aime pas
les canards » aurait pu avoir le même
découpage original si j’avais choisi
d’en faire un film ou un roman. Le charme de cette histoire
provient également en grande partie de la qualité
du dessin de Sulo et de son souci du détail. Jamais un texte
n’aurait pu aussi bien retranscrire que ses dessins
l’univers si particulier de Saint-Philbert-du-Fouilloux et de
ses habitants.
Pour résumer, ce qui me pousse à faire de
certaines histoires des Bds, c’est le choix de leur
découpage et le plaisir de les voir illustrées
par des images plutôt que simplement esquissées
par des mots.
Quel
était ton état d’esprit quand tu
as terminé ton premier scénario pour la
bande dessinée ?
Je suis
arrivé à la Bd sur le tard, et un peu par
défaut… Vers 15-16 ans, en effet,
j’avais commencé à écrire un
roman que j’ai ensuite retravaillé à
maintes reprises sans jamais en être totalement
satisfait… Je craignais de ne pas être capable de
faire partager avec mes seuls mots les images de l’univers
que j’avais en tête… Le projet prenait
la poussière dans mes cartons depuis pas mal de temps quand
soudain, un jour, je me suis
dit : « et pourquoi tu
n’en ferais pas une Bd » ?
Aussitôt dit, aussitôt fait. J’ai
écrit le scénario du premier tome de
« L’Empire des Fils de
Poséidon » en quatre mois puis je
l’ai immédiatement envoyé à
toutes les grandes maisons d’édition.
J’étais très fier de moi et,
même si je n’avais aucun dessinateur,
j’étais plutôt confiant quant
à mes chances de signer mon premier contrat. Un tel sujet
– la disparition de l’Atlantide – ne
pouvait forcément pas laisser les éditeurs
indifférents !
Bien entendu, j’attends toujours leurs
réponses…
Tu as
écrit des nouvelles, des scénarios de BD,
maintenant une "bible" pour un feuilleton; quel est ton
médium préféré (et pourquoi
?)
Je ne me
considère pas plus à l’aise
avec tel médium plutôt qu’un autre. Ce
que j’affectionne, justement, c’est de pouvoir
naviguer entre eux au gré de mes humeurs et de mes envies.
Je travaille toujours sur plusieurs projets à la fois. Quand
je ne trouve plus d’inspiration pour l’un, je
décide de le laisser de côté et de
passer au suivant. Tout est une question de rythme. En Bd, il faut
généralement faire tenir l’intrigue en
46 planches, ce qui nous oblige à être plus
précis et efficace dans la narration que pour un
roman où, là, on peut par contre prendre
davantage notre temps. C’est la même chose pour la
télévision ou le cinéma : une
page de scénario équivaut
généralement à une minute
d’images à l’écran.
Les nouvelles ou les romans ont, toutefois, un avantage certain sur les
scénarii de Bd ou le cinéma : en tant
qu’écrivain, nous sommes les seuls
maîtres à bord. Cette liberté a
cependant un prix à payer : sans collaboration avec
un dessinateur ou un réalisateur, le résultat
final nous appartient totalement. Qu’il soit bon ou
mauvais…
On a vu que tu
t'intéressais
aussi au cinéma
amateur. As-tu des projets dans ce cadre, peux-tu nous en parler?
J’ai
réalisé plusieurs
courts-métrages avec des amis, dont l’un a
d’ailleurs reçu
l’été dernier le prix du meilleur film
amateur dans un (petit) festival norvégien.
C’était très agréable
à faire, on s’est tous bien amusés
mais, finalement, je me dis aujourd’hui avec du recul que je
n’ai pas l’étoffe d’un
réalisateur. Quand je vois tout ce que des gens comme Michel
Gondry peuvent faire avec une caméra, je réalise
qu’eux savent raisonner en terme d’image, de
cadrage, de lumière… Moi pas… Je crois
qu’il faut savoir être modeste et honnête
avec soi-même : mon dada, c’est
l’écriture, pas la mise en scène,
même si elle me tente beaucoup.
Je continuerai bien sûr à faire du
cinéma amateur pour m’amuser –
j’ai deux projets de prévu pour le printemps 2007
– mais ce sera des films sans prétention aucune.
Concernant le long-métrage, par contre, avec toutes les
idées que j’ai en tête, je ne pourrais
jamais à la fois les écrire et les
réaliser. Mieux vaut donc laisser la partie technique
à celles et ceux qui en ont le temps (deux ans de
préparation pour un 90’ !) et le talent.
J'ai vu sur ton
site que tu avais eu des contacts avec une ou plusieurs
maison(s) de production de séries
télés. Peux-tu nous en dire plus à ce
sujet ?
Avec un
ami scénariste, j’ai en effet
posé les bases d’un projet de série
télé qui s’intitule
« Roissy » et qui, comme son
titre l’indique, se déroule dans
l’univers de l’aéroport international de
Roissy-CDG.
A l’heure actuelle, nous l’avons proposé
à quatre maisons de production. L’une
d’elle semble particulièrement
intéressée, mais nous sommes toujours en attente
de propositions concrètes. Affaire en transit, donc.
« Je
souhaite tenir un jour dans mes mains un album
dont je me sente fier. »
|
Quelle place
occupe la poésie dans ta production ? As-tu
reçu une formation particulière ?
Pour
l’instant, et à mon
plus grand regret, je n’ai pas vraiment le temps de
m’y
consacrer. Plus que la Bd ou le cinéma, la poésie
est
un art qui touche à l’intime. Je ne me suis jamais
autant
découvert que dans les poèmes que j’ai
pu écrire
et, pour l’instant, je ne pense pas avoir
spécialement envie
de parler de moi. Il m’arrive encore de coucher quelques
rimes sur
le papier à l’occasion mais c’est
surtout à
l’attention de personnes de mon entourage, ou bien de
personnes du
sexe opposé que j’aimerais bien compter parmi mon
entourage.
Dans
un futur plus ou moins
proche, par contre, j’aimerais beaucoup m’essayer
à
l’écriture de paroles de chanson. Je suis
très
curieux de découvrir ce que mes mots pourraient donner en
musique.
Quant
à ma formation en ce
domaine, je pense avoir la même que tout le monde :
école
primaire, collège, lycée… et Jacques
Prévert!
Depuis que tu
fais de la
bande dessinée, as-tu
rencontré des personnes qui t’aient
conforté dans ce choix ? Des professionnels,
d’autres amateurs, des lecteurs ?
Depuis
quatre ans que je fais de la Bd, j’ai eu
l’occasion de discuter avec quelques professionnels,
dessinateurs ou scénaristes, qui m’ont, pour la
plupart, inciter à persévérer et
à continuer à écrire.
Comme je ne cours pas après les festivals, la grande
majorité des rencontres que j’ai pu faire
s’est cependant effectuée par le biais
d’Internet. BDA a d’ailleurs joué en
cela un rôle très important. C’est
grâce au site, et à tous les encouragements que
j’ai pu recevoir sur les différents
scénarios que j’ai postés, que
j’ai pris conscience du fait que mes histoires pouvaient
peut-être plaire aux autres…
As-tu fait des
rencontres sur BDA ? Qu’est-ce que
cela t’a apporté ?
Depuis
mon inscription sur le site, j’ai
sympathisé avec bon nombre de personnes et ai eu la chance
de collaborer avec une quinzaine d’entre elles.
J’en ai rencontré physiquement quelques unes, et
espère sincèrement en rencontrer
bientôt quelques autres.
Outre le plaisir d’avoir vu certaines de mes histoires
illustrées, d’avoir pu glaner quelques conseils
à droite à gauche et d’avoir eu la
possibilité de participer à moult discussions
intéressantes, BDA m’a surtout permis de tisser de
belles amitiés.
Ton
activité professionnelle a-t-elle à voir avec
le monde de la bande dessinée ?
Jusqu’à
tout récemment, non, puisque
j’officiais alors en tant qu’animateur nature pour
une petite association d’Education à
l’Environnement. J’appréciais ce que je
faisais, mais je me suis aperçu que ce
n’était pas ce que je voulais vraiment faire.
Mon contrat venant de s’achever, je viens donc de
décider de me consacrer pleinement à
l’écriture.
Souhaiterais-tu
devenir un jour professionnel ?
Oui.
Depuis quelques mois, j’ai pris conscience
qu’écrire était la seule chose qui me
tenait vraiment à cœur. Charge à moi,
maintenant, de tout entreprendre pour y parvenir.
Cherches tu
à être édité
à tout prix ?
Je
cherche à être édité,
mais pas à n’importe quel prix. Pour
l’heure, je travaille sur deux projets
sérieux : l’un avec Suleyman, qui
s’appelle « Régis Dumesnard
n’aime pas les canards », et un autre avec
Bahiia, qui s’intitule « Croix de bois,
croix de fer ». Ce sont deux projets auxquels je
crois beaucoup, mais ça ne signifie pas pour autant que je
serais prêt à faire n’importe quoi pour
les voir être publiés. Au hasard de quelques
rencontres et de discussions, je me suis rendu compte que le monde de
la Bd n’était pas tout rose. De plus en plus
d’éditeurs cherchent à faire du
chiffre. Personnellement, je me moque un peu de voir l’une de
mes histoires devenir un best-seller (si ça arrive un jour,
je ne vais quand même pas cracher dessus) tant que je suis
satisfait du résultat.
Je souhaite tenir un jour dans mes mains un album dont je me sente
fier.
Si un "ami" BDA
gagnait à l'Euromillion, qu'il montait sa
propre maison d'édition et qu'il vous proposait
d'éditer "Régis n'aime pas les canards" (parce
qu'il trouve les histoires vachement chouettes et qu'il adore le dessin
de Mr. Sulo), est-ce que tu accepterais ?
Seulement
si cet ami était, comme moi, un grand fan de
Batman…
Participes-tu
à des fanzines ou à des
publications diverses ?
Depuis
deux numéros, avec Suleyman aux pinceaux, je
participe au nouveau fanzine de ChacalProd… Dans le
numéro 1, j'ai également écrit une
histoire mises en images par Philippe Gorgeot et intitulée
« Crénom de nom
! »
« Un
scénario de Bd n’a de
valeur que s’il est mis en images. »
|
En tant que
scénariste, quelle importance attaches-tu au
dessin en matière de bande dessinée ?
Une
importance primordiale. Un scénario de Bd n’a
de valeur que s’il est mis en images. Le texte
n’est qu’une étape ; le dessin,
lui, l’aboutissement. Je crois donc qu’il est
indispensable que les deux soient complémentaires.
C’est pourquoi j’essaie désormais,
lorsque je recherche une collaboration, de trouver un(e)
dessinateur(trice) dont le style correspond le plus possible au ton de
l’histoire que j’ai envie de raconter.
C’est quand la plume et le pinceau sont en osmose
qu’on peut réellement dire d’un album
qu’il est réussi.
Comment
procèdes tu pour construire une narration ? Peux-tu
résumer les différentes phases qui composent ta
manière de travailler ?
Lorsqu’une
idée me vient, je la laisse
mûrir un bon petit moment dans mon esprit. Si elle est
toujours là au bout de quelques semaines, et
qu’elle revient souvent à la charge,
c’est qu’elle est bonne. Je la note alors quelque
part, et je réfléchis à comment je
pourrais au mieux m’en servir. C’est comme une
bobine de fil. Il suffit de trouver le bout et de tirer : le
reste vient tout seul.
Avant de m’atteler dans un nouveau projet, j’essaie
donc d’avoir une idée assez précise du
début et de la fin de l’histoire. Je
rédige ensuite très grossièrement un
plan dans lequel je fais apparaître les grandes lignes du
récit et les enjeux des personnages. Je les
développe ensuite par écrit, en
m’attachant à les nourrir de petits
détails. Puis, je remets au propre un nouveau plan dans
lequel j’incorpore les scènes de transition entre
ces différentes scènes. Je redéveloppe
une nouvelle fois le tout en étant le plus
précis possible sur l’action, les lieux, les
personnages…
Je passe ensuite au découpage proprement dit du
récit en décidant ce qui va se passer dans
chacune des planches. Cette étape est délicate
car c’est elle qui va conditionner tout le rythme de
l’album. Il faut donc bien savoir doser les
séquences d’exposition avec les
séquences d’action, faire attention aux
articulations, aux respirations… Un vrai
casse-tête ! Mais ce n’est pas fini car il
faut encore redécouper la planche en cases,
décrire ce qu’il s’y passe et ajouter
les dialogues !
Qui a dit que le métier de scénariste
était plus facile que celui de
dessinateur ? ;o)
As tu des
images, bien précises ou floues, dans la
tête quand tu écris ?
Elles
sont très floues. En fait, j’ai beaucoup de
mal à m’imaginer les physiques des personnages que
je créé. Même chose avec les lieux.
C’est d’ailleurs pour ça que, quand je
fais une description, je reste le plus évasif possible. Ce
n’est pas de la fainéantise de ma part,
c’est juste que je n’en sais pas plus !
Quand j’écris, j’ai par contre en
tête une vague idée de comment les personnages
doivent être disposés. Je vois les masses, pas les
détails.
Cherches-tu une
manière de te remettre en cause à
l’aide de procédés
particuliers ?
Je ne me
suis encore jamais véritablement imposé
de contraintes. Mais c’est quelque chose qui me titille.
Jouer sur la forme d’un album me plairait beaucoup.
J’aimerais bien, par exemple, raconter un jour une histoire
qui se passerait dans un immeuble et dans laquelle chaque case serait
une pièce différente du
bâtiment…
Comment te
viennent les idées ? Quelles sont tes
sources d'inspirations?
J’aime
lire et regarder des films. J’ai aussi la
chance d’être curieux et d’avoir de
l’imagination. Et comme je suis quelqu’un qui adore
dormir, je rêve beaucoup.
J’aimerais croire que les idées me viennent
naturellement mais je suis plutôt enclin à penser
qu’elles se font par association. Qu’on le
veuille ou non, inconsciemment, on se nourrit des autres… On
pioche des pièces à droite à gauche et
notre cerveau s’occupe de remonter la voiture tout seul.
T’inspires-tu
de personnes, de faits réels pour
créer tes personnages, tes histoires ?
Comme la
majorité des auteurs, je pense, bon nombre de mes
personnages sont effectivement inspirés de personnes de mon
entourage. Il en est de même pour leur identité et
pour le nom de certains lieux.
Jusqu’à présent, par contre, je
n’ai pas encore vraiment développé de
scénario ayant trait à des faits
réels. Mais ce n’est que partie remise
puisque, d’ici quelques années,
j’aimerais beaucoup écrire une histoire sur la
catastrophe de Tchernobyl…
« Me faire
plaisir, tout d'abord, et essayer de donner du plaisir aux autres.
»
|
Qu'est-ce qui te
motive à écrire d'autres
scenarii ?
Me faire
plaisir, tout d’abord, et essayer de donner du
plaisir aux autres.
As-tu un rituel
particulier dans ton travail ? As-tu besoin
d’un environnement, d’un dispositif
particulier ?
Je me
suis dernièrement aperçu que
j’avais de plus en plus de mal à travailler chez
moi où je suis facilement distrait…
Dorénavant, donc, j’essaie le plus possible
d’écrire dans des lieux publics (cafés,
bibliothèques…).
Accordes-tu de
l’importance à la
documentation ?
Tout
dépend du degré
d’authenticité que l’on souhaite donner
au récit. Pour l’instant, parmi toutes les
histoires que j’ai écrites, très peu
m’ont demandé un gros travail de recherche. Je me
suis juste contenté de glaner quelques renseignements par-ci
par-là à partir desquels j’ai ensuite
brodé mes histoires.
A l’avenir, je souhaiterais désormais
être plus rigoureux. J’ai, en projet, un album avec
Philippe Gorgeot qui se déroulera en grande partie
dans l’univers des catacombes et il va sans dire que, pour
l’occasion, une importante recherche bibliographique va
s’imposer. De même, peut-être,
qu’une petite visite sous terre…
Dans quelle
genre de récit te sens-tu (ou aimerais-tu
être) le plus à l'aise ?
J’aimerais
beaucoup être capable
d’écrire des gags en une ou deux planches.
J’ai déjà proposé quelques
récits à Spirou mais, à chaque fois,
le rédac’ chef m’a répondu
que ce n’était pas drôle… Je
pense avoir besoin de temps, c'est-à-dire de quelques pages,
pour pouvoir installer une situation comique. Ça fonctionne
d’ailleurs assez bien sur
« Régis Dumesnard ».
Mais certains ont le talent de faire rire juste en une page et,
parfois, ça me rend un peu jaloux
Travailles-tu
régulièrement ou bien par
périodes ?
Comme je
suis facilement distrait, j’ai encore du mal
à rester concentré plus d’une heure
d’affilée. Et comme je suis quelqu’un
qui adore travailler dans l’urgence, j’ai souvent
tendance à attendre le dernier moment pour me mettre au
travail… J’essaie de changer cette attitude et
tente, désormais, de m’astreindre à un
rythme de production plus rigoureux, plus soutenu, en
m’imposant des horaires.
Cela te
gêne-t-il si il y a du monde autour de toi quand tu
travailles ?
Au
contraire, j’aime beaucoup écrire dans des
endroits vivants, là où il y a de
l’agitation. Le calme et le silence
m’ennuient…
As-tu
déjà travaillé avec
d'autres scénaristes sur un projet
commun par exemple?
Jusqu’à
présent, le seul projet sur
lequel j’ai collaboré avec un autre vrai
scénariste, c’est
« Roissy », la série
télévisée… Sur
« Régis Dumesnard »,
toutefois, Suleyman joue également un peu le rôle
de co-scénariste…
Tu ne peux te
passer de la présence d'un
dessinateur...Qu’attends-tu, en
général, de cette collaboration ?
Qu’elle
soit un échange, une aventure humaine. Je
crois sincèrement qu’un album se fait à
deux et que, de fait, le dessinateur a aussi un avis à
donner sur le scénario. De même que le
scénariste a le droit d’émettre des
remarques sur le dessin.
A mon sens, la pire collaboration qui soit est celle dans laquelle on
ne se dit pas franchement les choses. Si l’on ne se fait pas
confiance, si l’on n’accepte pas les critiques, la
qualité finale de l’histoire en pâtira
forcément.
Arronax
dessinateur, ça donne quoi ?
A peu
près ça…
Je sais que tu
es ouvert à plusieurs style de graphisme mais
y a t il un dessinateur que tu n'imaginerais pas du tout pour tes
écrits ?
Je ne
suis pas très fan du style Heroic Fantasy de la
plupart des dessinateurs qui officient chez
l’éditeur qui fait bronzer…
A quel moment de
ton travail te poses-tu le plus de
questions ? As-tu le plus de doutes ?
Sans
aucun doute au moment du découpage. J’ai
toujours peur que le rythme du récit ne soit pas assez
dynamique ou bien, qu’à cause de certaines
ellipses, l’histoire ne soit pas compréhensible.
Avant, j’essayais même de faire un
découpage des planches avec la disposition des cases. Comme
je n’étais jamais totalement sûr de mon
coup, j’ai vite abandonné. Je
préfère laisser cette liberté au
dessinateur…
Qu’éprouves-tu
une fois qu’une histoire
est mise en images ?
Une
énorme satisfaction, une pointe de regret et un peu
d’anxiété. Ça signifie en
effet qu’un dessinateur m’a fait confiance et que
nous avons réussi à faire de notre mieux pour
arriver au bout de l’aventure. Mais ça veut aussi
dire que, désormais, notre travail est achevé et
qu’une page se tourne. J’appréhende
aussi toujours un peu l’accueil de l’histoire par
le public…
La couleur est,
à tes yeux, un petit supplément
ou au contraire un élément
indispensable ?
Un
élément indispensable ! Toute
l’atmosphère d’une histoire peut
être bouleversée en fonction du type de
colorisation choisi. C’est elle qui donne le ton du
récit, qui donne toute sa force au dessin. Je trouve ainsi
dommage que, pour certains albums publiés, la couleur ne
soit pas plus soignée. On dirait parfois vraiment
qu’elle ne sert que de remplissage…
Jusqu’à présent, parmi tous les
dessinateurs avec lesquels j’ai pu collaborer, je crois que
tous se chargeaient de coloriser eux-mêmes leurs dessins.
J’aime bien cette idée… Non seulement
parce qu’ils sont très talentueux, mais aussi
parce qu’ils sont les mieux placés pour savoir
quelles couleurs s’accordent parfaitement avec leur
travaux…
«
...Cette histoire est peut-être celle qui résume
le mieux
mon univers. un endroit à part, à mi-chemin entre
la
magie et l'émotion... »
|
Si tu devais
citer ton scénario
préféré (écrit par toi),
lequel serait-ce (et pourquoi) ?
Même
si je les apprécie tous, je dois avouer que
j’ai un petit faible pour « Square des
épitaphes ». L’idée
de cette histoire m’est venue lors d’un long voyage
en voiture. Je cherchais depuis quelques temps un lieu qui pourrait me
permettre d’écrire des histoires
récurrentes… Soudain, alors que je me dirigeais
sans grande conviction vers l’idée d’un
petit café de campagne dans lequel le patron parlerait de la
pluie et du beau temps avec ses clients, je ne sais pas pourquoi,
l’image d’un cimetière m’est
passée par la tête. Et tout de suite,
ça a été le déclic.
J’ai arrêté la voiture et j’ai
écrit cette histoire en deux minutes, comme si elle avait
toujours été là, en moi. Je
l’ai immédiatement adorée, et
j’ai aussi tout de suite su qu’elle allait plaire
aux autres. Ça a été une
évidence. Je suis également très fier
du titre.
Plus j’y pense et plus je me dis que cette histoire est
peut-être celle qui résume le mieux mon univers.
Un endroit à part, à mi-chemin entre la magie et
l’émotion…
Quel est le
scénario que tu rêverais d'avoir
écrit ?
Sans
aucune hésitation,
« Watchmen » d’Alan
Moore. C’est, je pense, l’une des histoires les
plus originales et les plus abouties qu’il m’ait
été donné de lire
jusqu’à présent. Quant à la
fin, elle est tout simplement géniale…
Ta collaboration
avec Vega était super, y'aura t'il d'autres
projets avec elle ?
Je
l’espère ! Dernièrement, je
lui ai justement glissé deux mots à propos
d’un petit projet qui me trotte dans la tête depuis
un bon bout de temps et qui, semble-t-il, l’a
intéressée…
Charge maintenant à moi de développer
l’idée afin qu’elle puisse faire un
essai… On vous tiendra au courant, promis !
Et pour terminer
trois petites questions sur la
« vie privée » de
votre idole...Comme quoi BDA ne recule devant rien ...
Si tu pouvais
retourner a une époque, ça serait
laquelle et pourquoi?
J’aurais
beaucoup aimé vivre au temps des indiens
d’Amérique, avant l’arrivée
des premiers européens. C’est une civilisation qui
m’a toujours fasciné car, finalement,
c’est peut-être celle qui est parvenue à
vivre le plus possible en parfaite harmonie avec son environnement.
Es-tu gaucher
ou droitier? Mais est-ce que ça a vraiment
beaucoup d'importance ?
Droitier.
Est-ce que ça a beaucoup
d’importance ? Je ne sais pas… De toute
manière, si je n’ai pas le droit, j’ai
le gauche, non ?
Où en
es-tu avec ce qui était, me semble-t-il, ta
2ème résolution de l'année ? En
d'autres termes, où en es-tu avec ta voisine ?
Je
m’aperçois qu’aucune
déclaration ne sombre véritablement dans
l’oubli, sur Bda… Petits curieux, va…
Ma voisine de palier ayant malheureusement
déménagé juste après la
déclaration de cette fameuse résolution, comme je
suis un homme de parole, j’ai donc dû lier
connaissance avec une autre de mes voisines, en l’occurrence
celle du dessous. Elle vous passe d’ailleurs le
bonjour !
Un
grand Merci pour avoir répondu à toutes nos
questions, monsieur Arronax !
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