La danse du Soleil. par Emmanuelle

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La danse du Soleil.

“Collorow, j’ai froid», expira sans voix Nicagaat.

L’aube peignait de lumières pourpres et ocre la toile nocturne. Mais tandis que les premiers rayons adoucissaient nos visages tendus, mes mains humides ne pouvaient retenir la chaleur de Nicagaat quitter son corps. La balle avait traversé sa poitrine, répandant la maladie blanche des visages pâles. Bientôt, elle serait l’une des leurs : prisonnière de l’Ombre, âme errante à jamais loin de ses semblables. Je ne pouvais laisser le destin sceller pour l’éternité cette dernière porte.

« Nicagaat, te souviens-tu de la danse du Soleil ? ».
Son souffle irrégulier commençait à faire plonger ses yeux dans le vide tandis que sa peau d’argile se blêmissait.

«Nicaguaat!"

Son regard sursauta vers le miens. Ses lèvres bleues dessinaient des mots inaudibles appelant les morts à son chevet.

Les racines de ses ancêtres étaient-elles suffisamment encrées dans sa mémoire? Les colons avaient-ils lavé son identité pour blanchir la leur ? Nicagaat étaient très jeune quand ces armés mortuaires avaient terrassé notre village. Leurs soifs de conquête avaient réduit en cendre le peuple Tabeguache pour nous enterrer dans le statut d’orphelin. Leurs visions luminaires avaient jugé opportun de nous exiler loin de nos totems, et de nous enfermer dans un « Pensionnat » pour mieux oublier.

Oublier. Oublier par le sang le couteau aiguisé du guérisseur. Oublier par le silence les chants sacrés du chaman. Oublier les rituels des braves à la chasse à travers des gestuelles machinales. Oublier l’amour et la dévotion à travers le viol. La peur étaient-elle la meilleure arme d’amnésie ? Les murs étroits du pensionnat accoutumaient les enfants à une honte indolore, emplâtrés dans un avenir terne érigé par la volonté des hommes.

Toutes les nuits, Nicagaat et moi-même nous retrouvions dans la salle des ateliers textiles. Les ossatures de fers nous protégeaient des oreilles interdites le temps de lui conter des histoires. Son regard charbonneux trouvait réconfort dans des images invisibles, illuminant les silhouettes d’un passé brumeux. Ne pas sombrer dans la déchéance noire de l’Oublie ; retrouver des paroles lointaines pour bercer nos cœurs asséchés… Nous soufflions ensemble sur cet amas de cendres écrasées par la botte d’un officier pour lui redonner un peu de vigueur, jusqu’au jour où nous décidâmes de fuir.

Le passé était-il la clé de notre salue ? J’en étais convaincu et abreuvais Nicagaat d’illusions libératrices qu’elle imaginait plus qu’elle en avait le souvenir. Nous étions des bêtes sorties d’une cage qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Nous étions traqués, mais libre : libre de nos mouvements, libre de penser, libre de s’exprimer. Tenir. Tenir jusqu’à notre salue, mais quel salue ?

Je tournai son regard vers les premiers rayons du soleil et lui pris la main.

«Vois-tu les guerriers recevoir le morceau de ta chair ? Toi aussi, maintenant, tu es une guerrière Nicagaat. Tu l’as toujours été. »

Ses expressions se décrispaient. Apercevant l’esquisse d’un faible sourire, je continuai :
« … Ils sont là pour te guider à te libérer de ta souffrance, celle qui te permettra de renaître parmi les tiens, après la danse du Soleil » Lui affirmais-je la voix nouée d’un enthousiasme mensonger.

«Danses-tu Nicagaat ? Danses-tu ?»

Mes yeux se posèrent sur elle, immobile.Pour la première fois, Nicagaat n’écoutait plus. Elle dansait

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30/03/2009 18:14 Emmanuelle
Coucou à tous.

Une petit passage sur le forum avant de repartir sur la ligne droite de mes exams. Voici une petite nouvelle que j'ai écris à l'occasion d'un concours d'essais créatif en anglais organisé par mon université d'accueil. Je me suis dit que cela pourrait être intéressant de le voir également en image.

Qui tente n'hésites pas.

Bonne continuation,
09/04/2009 21:38 link
Jaime beaucoup ta fason décrire. ton style est tres poétique et on sent assez l'émotion dans les dialogues. bravo. chapaeu.
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