Un soir, un tram... par Pierre-Paul

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Un soir, un tram...

Un soir, un tram....

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1. Vue sur un quai de métro. Le personnage central, Arnaud, est au premier plan, entouré d'une dizaine d'autres personnes. Il est en costard trois pièces, classique, sombre, sans éclat. Il est stressé, fatigué d'une longue journée de travail même s'il est à peine 17h. Il est mal rasé, des cernes sous les yeux, le vrai quadra.

Récitatif: Un jour comme un autre., a priori. J'ai eu une journée difficile, comme d'habitude. cela fait 15 ans que je bosse pour la même boite, toujours le métro-boulot-dodo, alors pourquoi cela changerait-il aujourd'hui, pensai-je ? J'avais tort.

2. Dans la rame de métro, c'est la foule. On se serre, on se presse. Arnaud est le nez contre le sac-à-dos d'un ado en street wear et écoutant les "doum doum doum" sortant des écouteurs de son baladeur MP3. Arnaud semble géné, des gouttes de sueur perlant sur son front.

Récitatif: Oh, je ne prétend pas que ce qui m'est arrivé est extraordinaire, certainement pas. Vous vous en foutrez probablement, mais moi cela a changé ma vision de la vie.

3. Vue sur une femme, la petite quarantaine, un léger sourire aux lèvres.

Récitatif: Voilà, c'est elle qui a changé ma vie. A ce stade, j'ignore tout d'elle. Elle a quelque chose qui m'intrigue...Son regard... Elle doit avoir mon âge, mais elle semble plus heureuse que moi. J'ai immédiatement vu qu'elle ne portait pas d'alliance. Mais de nos jours, cela ne veut plus rien dire...

4. Arnaud, de dos, descend de la rame de métro, suivant la femme, de dos également.

Récitatif: Alors j'ai pété les plombs. Je ne suis pas descendu à la bonne station, et je l'ai suivie. Ne me demandez pas pourquoi...J'en sais rien, j'ai un cable qui a sauté, je sais pas expliquer.

5. Correspondance en surface: la femme monte dans un tram (l'histoire est pensée comme se déroulant à Bruxelles, mais Paris est ok et on remplace le tram par un bus), suivie par Arnaud.

Récitatif: "Bon, tu arrêtes, là ? Tu rentres chez toi chez ta femme et tes enfants ?" me suis-je dit. Je n'ai pas écouté cette voix, j'ai poursuivi ma filature, tout en débranchant mon portable pour ne pas être dérangé.

6. Dans le tram, vue sur la femme, toujours avec un léger sourire, derrière elle Arnaud, beauocup plus grand qu'elle, qui la regarde de haut d'un air intrigué.

Récitatif: Mais où va-t-elle avec cet air heureuse... Chez son mari ? Chez ses enfants ? A 40 ans, on n'est plus amoureux, et les enfants, on voudrait bien qu'ils grandissent au plus vite pour qu'ils soient en dehors de nos pieds. Ou alors c'est un raisonnement trop masculin...

7. Gros plan sur la femme: ni belle, ni laide: un certain charme....

Récitatif: Moi, cela fait des années que je ne suis plus amoureux. Je ne suis pas mal avec ma femme, mais je suis trop stressé pour vraiment profiter de la vie, d'être heureux avec elle et avec mes enfants, qui me fatiguent. Comment fait-elle, elle ? Qu'est-ce qui a cassé en moi depuis mon mariage, depuis la naissance de mes trois enfants, depuis mes différentes promotions au travail... Pourquoi suis-je devenu aigri ?

8. La femme (de dos) descend du tram, suivie par Arnaud.

Récitatif: Oups ! Faut pas la rater ! Elle descend. Mon ange gardien me crie "arrête de déconner, rentre à la maison", mais c'est la voix de mon diable (gardien lui aussi) qui l'emporte, et je continue.

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1. En rue, la femme, de profil, à quelques dizaines de mètres devant Arnaud, arrêtée devant une maison, à large entrée cochère.

Récitatif: Ah...Elle est arrivée à destination... C'est là qu'elle habite ?

2. La femme est entrée dans la maison. Vue sur un long couloir: on dirait un centre social de quartier (c'en est un !), avec quelques affiches de concert rock sur les murs, ou de théâtre, ou de danse, ou de tout à la fois. A l'arrière plan, au fond du couloir, la femme, arrêtée devant une autre porte.

Récitatif: Je suis dingue ou quoi ? Je suis entré ! Dans la gueule du loup ! Fuir, vite !


3. La femme se retourne vers Arnaud, et lui dit, toujours avec un petit sourire:

- Pourquoi me suivez-vous ?

Récitatif: Et m... ! Trop tard ! Je pique un fard.

4. Arnaud, de face, rouge comme une tomate, vraiment ennuyé de cette situation absurde bredouille:

- Heu...je...Je voulais savoir... Heu... Comment avez-vous l'air si heureuse, heu... Oui, c'est tout à fait idiot, je sais...Excusez-moi, je m'en vais. Désolé...

5. La femme, de face, avec un sourire plus large:

- Oh, ce n'est que ça.... Vous, vous avez l'air triste, Monsieur. Vous êtes si mal que ça, que vous suivez des femmes qui vous paraissent plus heureuses que vous ?

6. Arnaud, toujours de face, encore rouge écarlate:

- Hé bien, non... Je suis marié, j'ai trois garçons qui sont presque ados, je gagne bien ma vie... et heu.... Je vais vous laisser tranquille, excusez-moi...

7. La femme, riant gentillement:

- Ah, je vois... Vous êtes celui qui veut toujours plus, alors qu'il a tout... Ne vous en faites pas, vous êtes un malade typique du 21e siècle...

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1. Vue sur une petite dizaine d'enfants de 5-6 ans qui piaillent dans tous les sens, se jettant sur la femme, qui ouvre la porte, visiblement contents de la voir

- La femme: "Vous vouliez savoir ce que je fais ? Hé bien voilà: je m'occupe de ces "enfants du juge", eux n'ont ni parents, ni argent, ni rien d'autre que vos enfants ont probablement".

2. Arnaud, balbutiant, étonné, son regard plus neutre:

- Et... que faites-vous pour qu'ils vous aiment comme ça ?

3. La femme, embrassant un enfant, les autres demandant aussi leur "petit bisou"

- Pas grand chose: je leur raconte des histoires, je leur apprend à aimer la musique, je fais le théâtre des marionnettes.... Et je vous assure que si c'est "ringard", ils adorent ça !!! Et je ne suis pas payée pour ça, mon plus beau salaire, c'est leur sourire....

4. Arnaud, incrédule:

- Et de quoi vivez-vous ?

5. La femme, deux enfants sur les genoux, plusieurs autres autours d'elle. Elle ouvre un livre, et poursuit:

- Oh, de pas grand chose... Je n'ai jamais pu avoir d'enfants, je suis séparée de mon mari, j'ai un petit travail de secrétaire, je vis dans un petit meublé... Je vis de choses simples...

Arnaud, qu'on devine, au bord de la case: - Je... je vais vous laisser....Bonsoir, Madame....

6. Vue sur Arnaud, dans le tram, pensif, il n'a plus l'air triste...

Récitatif: Je n'oublierai pas... C'est tout bête, mais je n'oublierai pas... Ma vie va changer, enfin je crois...Une belle leçon...

7. Nous voilà à la maison d'Arnaud: il est de dos, sa femme de face: l'air étonnée:

- Mais... Arnaud... Qu'est-ce qui....

8. Arnaud, de face: un très large sourire, l'air amoureux:ce n'est plus du tout le même regard qu'au début de l'histoire: il tend un bouquet de fleurs à sa femme, avec un petit mot, discrèt mais visible: "Je t'aime".

Fin.

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26/01/2005 16:50 Pierre-Paul
A la demande de ADDTC, un autre genre de récit: court, simple, et ne demandant pas un dessin sophistiqué...
26/01/2005 17:05 Ancien Membre
Hoooo, c'est mignon tout plein ! Mais là encore, tu blablates. Quel bavard ce Delanay ! Et puis, je pense que tu pourrais aussi faire sauter plusieurs cases. Imagine, elle se retourne, elle l'invite sans un mot, et seulement là, elle lui cause de ses enfants. Ca irait tout aussi bien, et ça n'en serait que plus fort.
26/01/2005 18:44 Olivier_R
Jolie petite histoire. Bravo.
26/01/2005 21:27 Pierre-Paul
à l'origine, cela faisait 10 pages, j'ai sucré 7 pages, c'est déjà bien, non :o))) D'accord que la case 8 de la page 2 est nulle: évidement qu'il ne risque rien :o)
je refais ça dans les règles et puis on verra. Y a-t-il un dessinateur dans la salle ?
27/01/2005 11:37 Pierre-Paul
Voilà, un peu aéré. C'est mieux ? J'ai un autre texte dans la même veine, je dois encore le mettre au net. A suivre.
03/10/2005 14:14 ian
Je n'avais pas vu ça. C'est sympa !
Je ne suis pas d'accord sur la fait de "tasser" l'histoire, il faut prendre son temps, surtout avec une histoire aussi douce. Il faut faire monter l'ambiance, mettre mal à l'aise avec ce type qui pete un plomb et se met à suivre une femme... jusqu'à l'apex du scénario, le moment où il apprend à être heureux...
Très bien, Pierre Paul.
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