Les dossiers des BDA

Le parcours du combattant pour arriver au premier album (par Alcante)

illustration du dossier

voilà ce que j'ai "pondu" ce matin, un fameux pavé. Je ne parle quasiment pas (voire pas du tout) du contenu des albums (z'avez qu'à les lire tiens) mais bien de toutes les démarches / étapes qu'il a fallu franchir pour en arriver là, je pense que c'est ce qui est le plus susceptible d'intéresser les BDa. J'ai essayé d'être le plus complet possible, donc c'est long lol.

1. l’envie et la passion

Au début de tout, c’est clair, il y a la passion et l’envie d’écrire. D’aussi loin que je peux me souvenir, j’ai toujours adoré les histoires – et très tôt j’ai eu envie d’en raconter. J’ai été tout petit en contact avec le monde de la bande dessinée et j’ai quasiment appris à lire en dévorant les Spirou qu’on achetait chaque semaine. J’étais fasciné principalement par le tout premier Papyrus qui était publié à l’époque (on parle de 1975 là !). Vers mes 6 ans, je me souviens qu’il y avait eu un concours à la télé où il fallait imaginer la fin d’une petite BD, j’avais envoyé quelque chose de très naïf mais j’avais quand même reçu un autocollant en guise de récompense ! Mon tout premier « travail » « rémunéré » aura donc été un scénario de BD ;-).
La même année, j’avais fait écrire un petit mot par ma mère pour De Gieter (auteur de Papyrus), pour lui suggérer une histoire de Papyrus avec des chats vampires ( !). Bref, l’envie d’écrire des scénarios de BD ne date pas d’hier, c’est vraiment quelque chose qui était ancré en moi depuis longtemps.

2. les objectifs

Cependant, c’est aussi toujours quelque chose que j’ai fait un peu en dilettante, quand l’envie me prenait, et quand j’avais le temps. Bref, je n’ai pas vraiment écrit grand chose, si ce n’est quelques nouvelles et scénarios de jeux de rôles pour des copains. A la fin de mes études secondaires, j’ai voulu entamer des études pour devenir réalisateur mais j’ai échoué à l’examen d’entrée. En en discutant avec quelqu’un du métier, je me suis rendu compte que ce n’était pas la réalisation qui m’intéressait, mais bien l’écriture. Cette personne m’a alors expliqué qu’il n’y avait pas vraiment d’école pour ça et m’a plutôt poussé à développer cette activité pendant mes temps libres, et de parallèlement entamer d’autres études plus « classiques ». Et c’est ce que j’ai fait – je me suis donc finalement retrouvé avec un diplôme d’économiste.

En 1995 (hé oui, le temps passe vite), j’ai participé à un concours de scénarios organisé par Spirou et l’ai remporté. Mon scénario d’une planche m’a été payé, a été illustré par un de leurs auteurs et publié dans Spirou – le pied !!! Suite à cela j’ai rédigé un petit dossier avec quelques scénarios et l’ai ré-envoyé à Spirou, mais j’avoue qu’il était très mal ficelé et j’ai donc eu droit à une lettre type de refus… et n’ai pas persévéré.

En 1999 (ben oui, le temps passe toujours aussi vite), j’ai réalisé que si je n’essayais pas vraiment sérieusement de réaliser quelque chose dans ce domaine, je risquais de le regretter toute ma vie. J’ai réalisé aussi que plus le temps passait, plus ça allait devenir difficile de faire quelque chose dans cette direction. Je me disais sans arrêt « j’aimerais bien être scénariste pro, ça doit être cool etc » mais sans jamais vraiment faire quelque chose en ce sens. J’ai donc décidé de « me mettre sérieusement au boulot », et je me suis vraiment fixé comme objectif d’essayer de percer dans ce domaine, de travailler dans le but de devenir scénariste « professionnel », tout simplement parce que je sentais bien que c’était ça que j’avais le plus envie de faire. En même temps, je n’étais pas naïf et je savais bien que ça n’allait pas se faire tout de suite, j’ai donc décidé que je ne devais pas laisser tomber avant 5 ans (c’est énorme, et pourtant ça passe tellement vite…)

3. les premières démarches

Une fois que je me suis fixé cet objectif, j’ai réfléchi à la meilleure méthode d’y parvenir.

Tout d’abord, j’ai été fouiné dans les bibliothèques pour trouver des bouquins sur la dramaturgie, les techniques d’écriture etc, ainsi que sur Internet. Bon, il y a des dizaines de bouquins sur l’écriture de scénario, ça va du très mauvais au très intéressant et chacun peut faire cette démarche assez facilement. Je suppose qu’il y a aussi pas mal de trucs écrits sur l’art du dessin. Certains vont trouver ces livres inutiles, moi je pense qu’on peut beaucoup y apprendre. Mais le même bouquin ne va pas convenir à tout le monde, donc je pense vraiment que c’est à chacun de faire ses propres recherches et choix en la matière.

Une de mes premières démarches a été de me chercher un dessinateur, c'est comme ça que je suis arrivé sur BDamateur (je pense que j’avais une recherche sur google en mettant comme mots clés « dessinateur cherche scénariste). Ça doit remonter à 1998 je pense. J’ai d’abord été contacté par un dessinateur suisse avec qui on a réalisé une petite BD en 3 planches, dont un extrait avait été choisi pour illustrer la page d’accueil du site pendant tout un temps, à ma très grande joie. Au bout d'un moment, SwaN a eu la gentillesse de me contacter en disant qu'il aimait bien ce que je faisais, et m'a demandé un scénario, ce qui a donné naissance à « Celui qui attend », puis on en a fait deux-trois comme ça ensemble ! Je me suis dit que si un gars comme lui me contactait c'est que je devais pas être trop mauvais, ça m’a vraiment encouragé !

Au fait, je n'ai pas voulu me lancer dans des histoires longues directement, pour plusieurs raisons:
- je n'avais pas d'idées suffisamment élaborées ;
- je n'avais pas la "technique" suffisante ;
- je me disais que de toutes façons les chances de faire accepter une longue histoire par un éditeur en sortant de nulle part étaient quasiment nulles.

Si j’ai bien un conseil à donner pour ceux qui essaient de percer également, c’est bien celui-ci : ne vous lancez pas dans un projet de longue haleine directement, essayez d’abord plusieurs histoires courtes, que ce soit comme scénariste ou comme dessinateur ! Ca ira plus vite, ça vous permettra d’essayer plus de choses différentes, ça vous permettra plus vite d’avoir quelque chose à montrer à un éditeur, et donc d’avoir des commentaires de ceux-ci, ce qui permet de progresser. Bref, ça permet de « se faire la main ». Mais sachez aussi qu’en gros, les histoires courtes n’intéressent que Dupuis car ils peuvent les publier dans Spirou.

4. le premier dossier

Petit à petit j'ai donc développé plusieurs histoires courtes (une petit vingtaine) et j'en ai finalement eu assez pour envoyer un dossier à plusieurs éditeurs. En gros, c'est très simple, j'ai eu une lettre type de refus de tous les éditeurs car les histoires courtes ne les intéressaient pas car pas publiables en album ! SAUF Dupuis qui était intéressé pour la revue Spirou.

5. les lettres types de refus

Bon, les lettres types de refus, c’est pas gai à recevoir, mais il faut être réaliste. Il y a 95% de chance pour que votre premier dossier soit accueilli comme ça. Ne vous découragez pas ! Toujours voir le positif et tirer des enseignements. Quand vous recevez une lettre type de refus (du style « nous avons bien reçu votre proposition de série, et vous en remercions. Cependant nous pensons qu’elle ne cadre pas avec notre politique éditoriale et ne pouvons donc y donner suite blablabla »), en général, je pense que ça signifie que votre dossier n’a même pas été lu, ou alors seulement superficiellement ! Que retirer de positif de ça allez vous me dire ? Hé bien, le positif, c’est qu’il ne s’agit pas à ce stade d’un rejet de votre travail mais plutôt de la manière dont vous le présentez (c’est surtout vrai pour un scénariste mais ça vaut aussi je pense pour un dessinateur). Autrement dit : ne jetez pas tout ce que vous avez fait à la poubelle mais demandez-vous comment attirer l’attention de l’éditeur, comment améliorer la présentation de votre dossier, pour qu’au moins il le lise. S’il en arrive à le lire, au moins vuos aurez sans doute un commentaire plus personnalisé, et c’est toujours ça de pris, c’est une étape. C’est tout bête, mais faites corriger les fautes d’orthographe, faites relier votre dossier correctement, écrivez une lettre sympa et originale,… Bref montrez qu’au moins VOUS avez pris votre travail au sérieux ! Et demandez-vous aussi si l’éditeur est susceptible de publier votre travail. Dans le cas d’histoires courtes, c’est simple, je pense que les envoyer à d’autres éditeurs que Dupuis n’est qu’une perte de temps (c’est ce que j’ai fait mais a posteriori je m’en rends compte) car seul Dupuis (Spirou) peut publier ces histoires courtes. (attention, je parle d’histoires courtes sur différents thèmes, avec différents personnages etc etc, une série d’histoires courtes sur le même thème et avec le même perso peut tout à fait intéresser quasi tous les éditeurs).

S’il y a un n° de téléphone renseigné sur la lettre, téléphonez et essayer d’avoir plus de renseignements au téléphone, ne laissez pas passer une seule occasion ;-)

6. la première réponse encourageante

Après huit (!) mois d'attente j'ai eu une réponse (par e-mail) de Thierry Tinlot (rédacteur en chef de Spirou) qui me disait que c'était pas mal, potentiellement publiable mais qu'il cherchait surtout des scénarios plus réalistes (à l'époque je faisais plutôt dans le fantastique - dragons, vampires...).

Huit mois d’attente pour juste quelques lignes de commentaires, c’est évidemment énorme, mais je pense qu’il ne faut pas s’attendre à avoir de réponses plus rapides lorsqu’on débute, simplement parce que tous les éditeurs reçoivent une énorme quantité de propositions. Il n’y a donc pas le choix : il faut s’armer de patience, et ne pas hésiter à rappeler l’éditeur (ou son assistant ou sa secrétaire) pour vous rappeler à son bon souvenir. Dupuis reçoit environ 1.000 nouveaux dossiers par an, dont il n’en accepte que dix en moyenne, c’est tout dire…

Ceci dit, quand on a reçu toutes des lettres types de refus, un petit mot positif, aussi court soit-il, c’est encourageant ! De plus, là au moins j’avais la certitude que mon dossier avait vraiment été lu, et par le rédac chef en plus. Comme il me faisait quelques commentaires, j’ai eu un bref échange d’e-mails avec lui qui m’a permis de mieux comprendre ses critiques, et d’en tenir compte.

7. passer à 4/5ème

Comme je sentais que ça commençait à accrocher, j’ai souhaité me dégager plus de temps pour pouvoir passer à la vitesse supérieure. J’ai donc négocié de pouvoir passer à 4/5ème avec mon employeur et ai donc pu vraiment consacrer un jour par semaine à cette passion (ça c’était en septembre 1999).

8. le second dossier

Suite aux remarques de Thierry Tinlot, j'ai donc planché sur des scénarios gardant le même ton mais plus réalistes.

J’ai passé quelques mois à créer un deuxième dossier et l’ai renvoyé chez Dupuis (Spirou), et quelques mois plus tard, il y avait un message sur mon répondeur téléphonique : « salut c’est Thierry Tinlot, on voudrait te rencontrer, stp retéléphone-nous ! » Pour la petite histoire, quand j’ai entendu ce message pour la première fois, je n’avais pas du tout réalisé de qui c’était et j’avais dit à ma femme qu’il y avait un message pour elle ! C’est elle qui m’a dit « mais non, je ne connais pas de Thierry Tinlot ! » « hein quoi Thierry Tinlot, le boss ??? » ;-)

9. le premier contact et les premiers scénarios vendus

En décembre 2001, j'ai donc rencontré Thierry Tinlot et son adjoint de l'époque (Benoît Fripiat, devenu depuis lors directeur de collection), dans les locaux de Spirou à Marcinelle (vous imaginez comme j’étais content la première fois que je suis allé là !). A partir de ce moment là (2002), mes histoires courtes sont parues régulièrement dans Spirou. C’est la rédaction de Spirou qui a choisi les dessinateurs qui les ont illustré.

10. du coup il faut s’inscrire comme indépendant complémentaire…

Petite parenthèse sur quelque chose à laquelle on ne pense pas forcément quand on se lance dans l’aventure: quand on commence à vendre des scénarios, il faut les facturer. Mais pour facturer, il faut disposer d’un n° de registre de commerce etc. J’ai donc du entamer des démarches pour devenir indépendant complémentaire, ce qui prend un certain temps, un peu d’argent et beaucoup de formalités administratives. Cela a aussi des implications au niveau fiscal et social, comme par exemple la tenue d’une comptabilité etc. Il faut le savoir.

11. présentation d’un projet plus conséquent

Comme Thierry Tinlot appréciait mon travail, il m'a demandé si je n'avais pas un truc plus "gros". Et justement, entretemps j'avais commencé à développer ce projet de série « PANDORA BOX ». Je lui en ai donc parlé et il trouvait ça pas mal, mais trop "adulte" pour Spirou. Il m'a donc fait rencontrer Sébastien Gnaedig, (ex) directeur de collection pour Aire Libre, Repérages et le tout nouveau Empreinte(s).

A l’époque (mars 2002 environ), mon dossier de présentation était assez court et austère ; 2 pages de présentation du concept (on mêle mythes anciens, technologies modernes et péchés capitaux) et deux pages de synopsis pour le premier album. Mais en même temps c’était quelque chose qui avait déjà bien mûri car mes premières réflexions sur ce projet dataient d’août 2000.

Sébastien Gnaedig a directement marqué de l'intérêt pour mon projet. Il faut dire que j’ai eu la chance d’arriver avec mon idée juste au bon moment car cela cadrait parfaitement avec la nouvelle collection qu’ils se préparaient à lancer (Empreinte(s)), à savoir des cycles (plutôt que des longues séries ou des one-shot) pour un public ado-adulte.

Dans un premier temps j’ai du développer le synopsis du premier album. J'ai travaillé comme un boeuf et le synopsis est passé de deux à seize pages. Thierry Tinlot l’a lu et l’a trouvé très bien. Sébastien aussi mais il m’a quand même demandé de préciser certains points, ce que j’ai fait (nombreuses heures de travail).

Finalement, après en avoir parlé également avec le Directeur Editorial (Claude Gendrot), il est devenu clair que Dupuis avait un intérêt marqué pour le projet, mais je ne voyais toujours pas le contrat arriver. En effet, la deuxième étape a consisté à développer le dossier de présentation, afin de montrer que le concept ne tenait pas que sur un album mais que j’avais au moins des idées qui me permettraient de remplir 8 albums. Le but de ce développement était aussi de pouvoir « appâter » des dessinateurs potentiels, vu qu’à ce moment là je n’avais toujours pas de dessinateur !

Là j’ai commencé à flipper parce que j’ai travaillé comme un dingue pour pas un rond et en risquant toujours que Dupuis dise « désolé, mais on ne le prend pas finalement ».

Heureusement ça n’a pas été le cas, et environ en septembre 2002, on a commencé à parler « contrat ».

12. négociation et signature contrat

Alors négocier un contrat d’édition, c’est comme négocier un contrat d’emploi, c’est pas toujours évident, et c’est certain que lorsque c’est notre premier album, on n’est pas en position de force en tant qu’auteur vis-à-vis de l’éditeur. Il est clair qu’arrivé à ce stade on n’a pas envie que tout foire parce que l’éditeur n’est pas d’accord avec une de nos exigences, donc on est plus enclin à faire des concessions. Cependant, je dois souligner que ces négociations ont été très correctes, qu’ils ont répondu à toutes mes questions et ont accepté certaines de mes demandes. La négociation se fait, en tous cas dans mon cas, avec le Directeur éditorial et le Directeur de collection.

Un contrat d’édition, c’est quoi exactement ? Hé bien c’est un contrat dans lequel on cède des droits en échange d’une rémunération. Les droits principaux que j’ai cédé à l’éditeur sont les droits de publication de « l’œuvre » (c’est comme ça que l’on mentionne le scénar dans le contrat) dans le magazine Spirou, ainsi que le droit de publier « l’œuvre » sous forme d’albums. Dans le contrat que j’ai signé, le premier droit est rémunéré par un montant fixe par planche, tandis que le second l’est par un pourcentage des ventes. Je ne vais pas entrer dans les chiffres mais il faut vendre quand même pas mal d’albums pour gagner l’équivalent d’un salaire normal, donc financièrement, à moins que ça cartonne, la BD n’est pas le moyen le plus facile pour faire fortune ;-)

A noter que le pourcentage des ventes est cédé par l’éditeur comme un tout à la paire dessinateur – scénariste. Ce sont ces deux derniers qui doivent s’arranger entre eux pour voir le partage qu’ils en font, ce qui fait l’objet d’un avenant (çàd un complément) au contrat d’édition.

Il est clair qu’un auteur n’est pas toujours armé pour comprendre toutes les subtilités juridico-financières du contrat qu’on lui propose, d’où l’utilité de s’affilier à une société d’auteurs (style SCAM ou SACD) qui peut apporter de l’aide sur ces points (ça peut aller jusqu’à ce que ce soit le juriste de la SCAM / SACD qui négocie directement votre contrat avec l’éditeur). En outre, s’affilier à une société d’auteurs permet de toucher des droits qui ne sont pas rétribués par l’éditeur. Exemple : les droits de reprographie (le secteur de la photocopie paie annuellement une certaine somme aux sociétés d’auteurs, qui les répartissent entre les auteurs affiliés chez eux, pour tenir compte du fait que leurs œuvres ont été photocopiées)(bon c’est minime hein ! mais il y a aussi certains droits télévisuels qui passent directement aux sociétés d’auteur et ça c’est potentiellement plus intéressant).

13. recherche de dessinateurs

A ce moment là (septembre 2000) j’étais toujours sans dessinateur. Nous avons procédé comme suit : j’ai établi une liste de dessinateurs « idéaux », dont j’appréciais le style qui, selon moi, dont le dessin aurait bien convenu aux histoires que j’avais en tête.

Cette liste était cependant utopique car la plupart des dessinateurs que j’avais cité étaient déjà engagés pour les 5 prochaines années. Mais le Directeur de Collection s’en est servie pour se faire une idée plus nette de ce qu’il fallait comme dessin, et m’a donc proposé d’autres noms « plus accessibles » en me demandant mon avis. La grosse majorité des noms cités me convenaient (enfin, leur travail), l’éditeur les a donc contacté et leur a envoyé le dossier de présentation ainsi que le premier scénario qui était à ce moment là entièrement découpé. En général tous ceux à qui on a proposé le projet l’ont apprécié et ceux qui l’ont décliné l’ont fait plutôt pour des raisons de planning, bref il a été plutôt bien accueilli et l’équipe s’est formée relativement rapidement (mais dans le « désordre » : le premier dessinateur ayant signé étant en effet celui qui va réaliser le 6ème tome et ainsi de suite).

Finalement 7 dessinateurs vont donc se partager 8 albums, le premier et le dernier album étant illustré par le même dessinateur. Pour la petite histoire, le plus jeune est né en 1973, le plus âgé en 1956 ; il y a quatre français, deux belges et un serbe.

14. Les relations scénariste - dessinateur

Certains scénaristes se lancent directement dans le découpage et avancent planche par planche. Je serais incapable de procéder comme ça et ce n’est pas une méthode qui m convient. Pour moi le découpage de la première planche n’intervient qu’une fois que je sais exactement ce que je mettrai sur la dernière planche. Les dessinateurs (allez hop je les cite : Didier Pagot, Vujadin Radovanovic, Steven Dupré, Roland Pignault, Erik Juszezak, Alain Henriet et Sébastien Damour) ont donc systématiquement reçu le scénario complètement fini, intégralement découpé avant même de faire le premier crayonné. Heureusement, ils ont tous été contents du scénario et n’ont donc rien voulu modifier.

En général, une fois qu’ils ont le scénario ils font un premier jet (story board) pour quelques planches, on en parle (la plupart du temps c’est directement nickel, je regarde juste s’il n’y a pas eu un malentendu sur certains poins), puis ils font le crayonné et l’encrage. Je dirais qu’ils ont respecté mon découpage à 95%, ils n’ont modifié que 5% mais à chaque fois qu’ils faisaient une modification c’étaient toujours des bonnes idées. Ils ont chacun leur style qui colle bien à l’album qu’ils ont choisi, je suis vraiment content de voir ce projet évoluer puisque pour l’instant je reçois des planches toutes les semaines, c’est très motivant !

J’ai eu de la chance aussi de tomber sur tous des gens avec qui je m’entends bien, c’est important pour une collaboration qui s’étale à chaque fois sur un an !!!

15. Les relations avec le directeur éditorial

Autant Sébastien Gnaedig m’a fait bûcher avant la signature du contrat, me posant plein de questions pour préciser certains points etc, autant il m’a laissé entièrement libre une fois que le projet a vraiment démarré, en y croyant même parfois plus que moi. Mais « libre » ne veut pas dire « sans suivi », que du contraire, nous avons eu de très fréquents contacts, que ce soit de visu, par e-mail ou au téléphone. Ici aussi, j’ai eu beaucoup de chance de tomber sur quelqu’un (de mon âge) avec qui j’ai eu de très bons contacts, et – surtout – qui m’a fait très vite entière confiance. L’air de rien, c’était pas évident car concrètement les huit albums auront été lancés (et rémunérés) avant même que le premier tome ne soit sorti. Etant donné que je suis un parfait inconnu dans le monde de la BD, c’est quand même un risque qu’il a osé prendre. Personnellement je suis donc triste de son départ (pour Gallimard) en novembre dernier, même si son successeur, Louis Antoine Dujardin, a l’air du même tonneau.

16. C’est du boulot !

En octobre 2002, je suis passé à mi-temps suite à la signature du contrat. A l’heure actuelle, j’entame l’écriture du huitième et dernier album. Les deux premiers sont donc entièrement finis et sortent le 5 janvier ; les tomes 3 et 4 seront entièrement finalisés pour février et sortiront début mai ; les tomes 5 (le dessinateur vient de se lancer) et 6 (presque fini) sortiront en septembre ; le dessinateur du tome 7 commence en janvier 2005, celui du huitième devrait s’y mettre plus ou moins en mars. Ces deux derniers albums sortent en janvier 2006.

Comme simple lecteur, je n’avais jamais réalisé la somme de travail que représente un album. Ecrire un scénario complet me prend (en équivalent temps plein) entre 1,5 et 3 mois de travail ; il faut ensuite de 6 à 15 mois pour le dessin, plus encore un mois et demi pour les couleurs. Ajouter à ça le suivi par le Directeur éditorial et son équipe, le marketing, les vendeurs, l’imprimeur etc etc et finalement vous vous direz que les BD ne sont pas si chères !

Je dirais aussi que la grosse différence entre travailler « en amateur » ou bien dans le cadre d’une publication, c’est le fait de devoir composer avec des échéances. Si l’album est prévu pour janvier, il doit être finalisé en novembre, le coloriste doit recevoir les planches en septembre et donc le dessinateur idéalement doit recevoir le scénario découpé en septembre de l’année d’avance, soit presqu’un an et demi avant la sortie de l’album. Tout retard en début de chaîne (le scénario) décale tout le reste, avec le risque que le dessinateur ou le coloriste se retrouve avec des délais difficiles à tenir. D’où une pression qui n’existe pas lorsqu’on écrit seulement lorsqu’on « le sent bien ».

17. En conclusion

En conclusion, même si écrire tous ces albums a représenté un boulot fou, je suis bien évidemment très, très, très heureux de bientôt voir ces albums en librairie. Si on m’avait dit ça il y a 5 ans, jamais je ne l’aurais cru ! Et je n’oublie pas qu’il y a 5 ans, tout a commencé pour moi sur BDamateur, que je remercie donc du fond du cœur !

"Le parcours du combattant pour arriver au premier album (par Alcante)" par Ancien Membre (06/01/2005)