Zephir, un petit jeune de grand talent !

À quand remonte ta première envie de faire de la bande dessinée ?

Difficile à dire. Je n'ai jamais cessé de dessiner mais je m'y suis mis vraiment vers 10 ans environ : on va dire que c'est à cette époque qu'est née ma passion. J'ai toujours aimé le domaine de l'image, au sens large du terme. Mes premières lectures ont été Tintin, Astérix et Lucky Luke, pas très original, hein.
Forcement, plus je lisais de BD, plus j'avais envie d'en faire.

Quelle place occupe la bande dessinée dans ta vie ?


(à lire avec un léger zozotement)
Je vis en autarcie depuis 6 ans. Je n'ai pas d'amis. Je depense tout mon argent de poche en BD. J'ai d'ailleurs une bibliothèque de 784 ouvrages !
Sérieusement : c'est à peu près ça, si ce n'est que j'ai une vie sociale et pas mal d'amis. Mon argent passe effectivement essentiellement là dedans, mais je n'ai pas une aussi grosse collection.
Je dessine énormément en cours, mes profs sont assez cool là dessus. Il m'arrive parfois de dessiner 6 heures dans ma journée de lycéen. Et je dessine en moyenne 2 heures par soir chez moi. Sans compter le temps passé sur les blogs BD.
En résumé, on peut dire que la bande dessinée occupe une grosse place dans ma vie.

Es-tu parfois tenté par d'autres activités artistiques ?

Oui. Je voudrais me mettre à la photo, apprendre sérieusement les bases de l'animation et me lancer aussi dans le cinéma.
Mais tout ça, ce sera pour plus tard, quand j'aurais le temps et l'argent. J'aimerais bien faire une école qui forme à toutes ces disciplines mais je ne crois pas que cela existe.
La sculpture m'intéresse aussi mais je m'y connais très peu.
Ce qui est sûr, c'est que je ne veux pas me borner à faire de la BD, seul devant ma feuille, sans rien tenter d'autre. 


Depuis que tu fais de la bande dessinée, as-tu rencontré des personnes qui t'ont conforté dans ce choix ? Des professionnels, d'autres amateurs, des lecteurs ?

Oui. J'ai la chance d'avoir rencontré pas mal d'auteurs pro et de garder contact avec eux via msn. Je parle de temps en temps avec Bastien Vivès.
J'ai aussi fait mon stage de 3e au Gottferdom studio, le QG de Soleil, avec Tarquin, Arleston et toute la team.
Je discute beaucoup avec d'autres amateurs de mon âge (le désormais célèbre Vincent, Sitron, Léob) et c'est vraiment cool de pouvoir échanger entre passionnés.
J'ai eu de réels retours positifs sur mon boulot par tout ces gens-là. Tout ça m'a vraiment donné envie de persister dans le milieu. Je me souviens du jour où j'avais pris un café pendant deux heures avec Tarquin, il m'avait expliqué clairement toutes les emmerdes du métier mais aussi toutes les joies. J'en étais ressorti euphorique.

 Souhaiterais-tu devenir un jour professionnel ?

Oui, avec le salaire qui suit si possible.


À quoi correspond pour toi le statut d'amateur ?

Euh bonne question. Pour moi, c'est la période où je me forge un style. Je teste un maximum pour voir ce qui me correspond. En gros, je fais mes armes pour l'avenir.
Je suis lycéen : j'ai donc la chance de pouvoir dessiner à (presque) temps plein et être nourri et logé par mes parents. Je suis bien conscient qu'il faut profiter de la situation pour me constituer un bagage artistique pour plus tard. Mais j'espère bien que le statut d'amateur ne va pas durer infiniment...

Combien de temps mets-tu pour préparer et réaliser une planche, un texte ? Comment prépares-tu ? Quelle importance accordes-tu à cette préparation ?

Oh là, c'est très variable. Le plus souvent, j'y vais direct à l'encre sans crayonné. Quand je fais des histoires courtes, je fais la première case sans savoir ce qu'il y aura dans la deuxième et de quoi la narration sera faite. Pour les histoires longues, j'ai une trame narrative mais c'est tout. J'ai juste le squelette de l'histoire et après j'improvise.
Quand je suis motivé, je peux faire 8 planches par jour. Je me force à dessiner beaucoup tous les jours. Je fais très peu de story-board, je sais que c'est un tort mais je n'y arrive pas, j'aime bien l'idée que tout est encore possible au fur et à mesure de l'avancement de l'histoire.


Quelle place occupe la technique dans ton travail ?

J'essaie de concilier technique et narration, car il est évident que l'un ne va pas sans l'autre. Selon moi, une BD avec un graphisme accrochant et un scénar pourri ne vaut pas le coup, et vice-versa.
Je suis conscient que ma plus grosse lacune reste la narration, j'ai du mal à structurer mes idées. C'est pour ça que j'aimerais bosser sur un projet sérieux avec un scénariste pour voir si je m'en sors mieux si quelqu'un m'aide.
Pour ce qui est de la technique, j'essaie de m'améliorer. Je prends des cours de modèle vivant aux Beaux-arts, je dessine pas mal d'après obs et photo et je teste beaucoup de nouveaux outils et médiums.

As-tu l'habitude d'utiliser un matériel particulier ou bien te sers-tu de ce qui te tombes sous la main ?

Non, j'utilise tout. j'ai des préférences pour différents outils et médium (carte à gratter, plume + encres, brou de noix) mais je ne rechigne jamais à tester de nouvelles choses.

Préfères-tu réaliser en couleurs ou en noir et blanc ?

Le noir et blanc a une force que la couleur n'a pas. Mais je pense qu'il ne faut pas privilégier l'un au détriment de l'autre.

Remets-tu volontairement en cause ta manière de travailler ?

Oui. Pour l'instant je ne m'enferme pas dans un style, je varie le plus possible, ça a ses avantages et ses inconvénients.

As-tu besoin d'un environnement, d'un dispositif particulier ?

Pas spécialement, mais disons qu'il faut que je dessine seul dans ma chambre. J'ai tous mes outils à portée de main et je ne suis pas dérangé.

Ecoutes-tu de la musique en travaillant ? Laquelle ?

Ah oui ! tout le temps, je peux pas faire sans. C'est super varié ce que j'écoute, ça va de System of a down, The Doors , ACDC, Led Zep à Brassens, Nino Ferrer, Tryo, Leonard Cohen en passant par NTM, IAM, Wu Tang Clan... J'écoute un peu de classique aussi (principalement Mozart), pas mal de jazz (Louis Armstrong, beaucoup). Un peu d'électro (Le Peuple de l'herbe, Chinese man...). Beaucoup de reggae et parfois du gros Metal bien lourd style Slipknot, juste pour me défouler.

Préfères-tu travailler seul ou en collaboration ?

Je n'ai jamais vraiment travaillé en collaboration, donc je ne peux pas trop dire. J'aimerais bien bosser avec un scénariste pour voir. Et si la BD devient mon métier je me verrais bien dessiner en atelier. Nicolas de Crécy explique dans Journal d'un fantôme qu'il faut inévitablement être seul pour créer, ça me fait un peu peur. Pour l'instant je ne réfléchis pas trop à ça ?

Trouves-tu ton inspiration en regardant des films, au travers de lectures, en voyageant ?

Évidemment. Tous les films que j'adore m'influencent, d'une manière ou d'un autre.
Pour les lectures, c'est différent : si j'ai le coup de coeur pour une BD, je vais, un peu malgré moi, essayer de faire un truc dans le même genre.
C'est parfois un peu embêtant car il faut tout de même que je garde une certaine cohérence dans mon travail.
Les scénarios me viennent souvent en voyant des films ou en voyageant. J'ai des thèmes de prédilections : la vie, la mort, l'absurde, la nature, le moche, le beau et la folie...



Y a-t-il des BDA qui t'influencent ?

Oui. J'adore le travail de la team Bévue : Kaou, Tony, Matthieu... J'aime bien ce que fait Cop aussi. C'est un ancien bda qui m'avait donné envie de commencer la carte à gratter : Raoul.

À quel moment de ton travail te poses-tu le plus de questions ? as-tu le plus de doutes ?

Je me m'en pose pas vraiment; je fais mon truc, si ça plaît, tant mieux, sinon tant pis.
Je citerai à nouveau Nicolas de Crécy (vous l'aurez compris, c'est mon auteur préféré ) : « Le public est une notion tellement vague ! Il est composé d'avis tellement différents qu'on ne peut pas en tenir compte. Si on entend "ça m'a plu" ou "ça ne m'a pas plu", que doit-on faire ? Il n'est pas possible de tenir compte de cela. Il faut donc développer l'idée que l'on a. »

Quelle est la planche de bande dessinée dont tu es le plus satisfait ?

Alors là, aucune idée. Je ne suis jamais totalement satisfait. Je suis assez content de moi pour ce qui est de la carte à gratter puisque je trouve que j'ai progressé assez rapidement. Pour mon projet BD « Déchéance », j'étais content d'avoir tenu 18 planches , c'est rare que j'y parvienne.  Sur ces 18 pages, il y en a quelques-unes qui me plaisent vraiment.

As-tu le sentiment que tes planches s'adressent à un public particulier, ou qu'elles peuvent toucher tout le monde ?

Ça dépend quoi. Dans l'ensemble, cela ne s'adresse pas trop à un public enfant. J'ai un trait assez torturé et j'aime bien aborder des thèmes sombres et assez glauques.
Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas de la BD grand public.
J'ai fait certaines planches qui, je pense, peuvent toucher tout le monde, mais elles restent minoritaires dans mon travail.

Si tu devais résumer en une phrase le message que tu souhaites adresser aux lecteurs qui te lisent, que dirais-tu ?

Allez travailler au lieu de lire des BD, tas de feignants, graine de chômeurs.


Et Merci M'sieur Zephir ! 

Pour en savoir plus :
 http://zephirblog.canalblog.com/

Interview de D.H.T.

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