Pour inaugurer les dossiers "entre quatre planches", le premier de ces portraits est consacré à SwaN. Membre actif de bda depuis une très longue période, c'est surtout un auteur talentueux ouvert à toutes sortes d'expériences et riche d'un background plutôt bien fourni, qu'on en juge par exemple à sa longue liste de publications dans le milieu amateur et semi-professionnel ou aux nombreux travaux présentés dans sa gallerie ou sur son site.

Voici l'interview réalisée à l'aide des questions des membres, et qui dévoile enfin toutes sortes de mystères tels que l'existence du Yéti, de Proxima du Centaur et la vérité vraie sur la mort de Sardanapale.

BDA : Peux- tu nous en dire plus sur ton pseudo et en particulier s'il y a une raison autre qu'esthétique au "N" majuscule à la fin ?

SwaN : Aucune raison particulière, je cherchais un pseudo assez court et le "N" à la fin me sert à me différencier des autres "Swan" que je pourrais rencontrer sur les forums d'internet, tout simplement.

BDA : Quelle place occupe la bande dessinée dans ta vie ?

SwaN : La Bande Dessinée en tant que telle n'occupe pas vraiment une grande place dans mon quotidien, ce sont plus les Arts Graphiques de manière générale qui m'intéressent et pas uniquement la Bande Dessinée en soi. Le graphisme est prédominant dans ma vie depuis tout petit, il ne se passe pas une seule journée sans que je ne fasse quelque chose ayant un rapport avec, que ce soit professionnel ou pour mes loisirs.
"Le graphisme est prédominant dans ma vie depuis tout petit, il ne se passe pas une seule journée sans que je ne fasse quelque chose ayant un rapport avec."


C'est une passion partagée par ma compagne elle-même graphiste, donc on baigne véritablement dedans au quotidien, mais ça ne concerne pas uniquement la Bande Dessinée mais également l'illustration, le design, la photo et tout ce qui gravite dans cet univers.

BDA : Quand et à quelle occasion as-tu réalisé ta première bande dessinée ?

SwaN : C'était vers l'âge de 24 ou 25 ans, à cette époque je redécouvrais les "EC Comics" des années 50 par l'intermédiaire des bouquinistes, et j'ai eu envie de faire ma propre BD sur le sujet, c'est ainsi que j'ai réalisé "La Cave". Avant cela je ne faisais que de l'illustration. Je te fais abstraction des bd dessinées sur les murs de ma chambre à l'âge de 8 ans et qui n'avaient qu’un intérêt somme toutes assez relatif ^^

BDA : Quelle forme avait ta première bande dessinée ?

SwaN : C'était une petite histoire de 4 planches en noir et blanc sur un môme qui découvre que sa cave est peuplée de démons. Je l'ai réalisée laborieusement à la plume, objet que je maniais pratiquement pour la première fois.

BDA : As-tu reçu une formation particulière ?

SwaN : Oui, à seize ans j'ai quitté le collège sans regret. Elève laborieux, mes parents m'ont encouragé à intégrer une école de design publicitaire ou là j'ai réussi à décrocher mes diplômes comme par magie. Le milieu des arts m'a énormément stimulé et encouragé à persévérer dans cette voie, chose que l'enseignement traditionnel ne faisait pas.

BDA : Depuis que tu fais de la bande dessinée, as-tu rencontré des personnes qui t’aient conforté dans ce choix ? Des professionnels, d’autres amateurs, des lecteurs ?

SwaN : La première personne, après mes parents qui ne s'intéressent que de très loin à la Bande Dessinée, c'est ma compagne depuis 13 ans qui m'a toujours encouragé à aller plus loin. En arrivant sur le web vers 1997, j'ai tout de suite créé mon site et mis mes travaux en ligne. Les gens eurent également un accueil très favorable à mon encontre.

"Mais de toutes les rencontres, ce fût sur BDA qu'elles fûrent les plus enrichissantes et encourageantes."

Quelques pros me contactèrent, le premier fut Midam, je pensais à un gag. Des scénaristes pros aussi m'ont contacté pour bosser avec eux, à mon grand étonnement. Plus tard j'ai rencontré Obion et ses amis du Violon Dingue qui m'a également encouragé et donné plein d'astuces et que je ne remercierai jamais assez pour son accueil. Mais de toutes les rencontres, ce fut sur BDA qu'elles furent les plus enrichissantes et encourageantes et où j'ai pu bosser avec Alcante.

BDA : Swan, est-ce que tu vis de ton art?

SwaN : Pas au sens classique où tu l'entends, ma profession est Graphiste Designer. Je travaille essentiellement pour la publicité et l'industrie où je suis chargé de créer la forme des produits ainsi que des plaquettes publicitaires. J'y fais donc les illustrations ou bien les photos, ainsi que la mise en page et également le suivi de fabrication chez les imprimeurs.
Si tu considères donc que le Design ou la maquette publicitaire sont des formes d'arts à tes yeux, alors oui, d'une certaine façon je vis de mon art, mais je suis loin du peintre seul dans son atelier à chercher la peinture ultime.

BDA : As-tu déjà tenté de "séduire" des éditeurs et pourquoi ?

SwaN : J'ai fait quelques tentatives il y a des années avec quelques scénaristes dont Alcante, l'auteur de Pandora Box chez Dupuis. Les retours n'ont pas été positifs, mon dessin était moins sûr que maintenant, peut-être que ce serait plus encourageant si je réessayais à présent.

BDA : Tu as l'air d'être à fond sur Dark, vas-tu nous tenter un p'tit coup d'édition ?

SwaN : Très sincèrement je n'en ai aucune idée. Antoine Corriveau et IrockZ les responsables des Editions du Gramophone sont très intéressés par le personnage, ce serait un plaisir de sortir un album chez eux mais mon rythme de production est assez lent je dois dire.

BDA : A quoi correspond pour toi le statut d’amateur ?

SwaN : J'ai infiniment de respect pour les "peintres du dimanche", bien plus que pour ceux qui veulent absolument exposer leurs travaux dans une galerie commerciale ou bien cherchent la reconnaissance à tout prix, comme si leur vie en dépendait.

"J'ai l'impression toute personnelle que de plus en plus d'auteurs font de la BD pour se faire reconnaître plutôt que par envie pure"

La démarche de rechercher la reconnaissance est à mes yeux une démarche d'agissements par intérêt, par frustration de ne pas être reconnu, celui qui crée chez lui tout seul va privilégier le plaisir personnel et c'est en soi beaucoup plus sain et sincère comme attitude.

J'ai l'impression toute personnelle que de plus en plus d'auteurs font de la BD pour se faire reconnaître plutôt que par envie pure, c'est un phénomène duquel j'essaye de m'éloigner le plus possible. Non pas que je rejette la reconnaissance loin de là, je ne m'estime pas meilleur qu'un autre, mais plus pour me protéger et limiter l'interaction entre l'auteur et son public. A vrai dire je ne suis pas très porté sur la sociabilité, à long terme cela apporte plus de désagrément que de plaisir.

BDA : Quelles sont tes ambitions au niveau bande dessinée ?

SwaN : Continuer mon darKCain, c'est mon envie première en matière de Bande Dessinée car c'est avec ce personnage que je me sens définitivement le plus à l'aise, lui faire vivre tout un tas d'aventures aussi barrées les unes que les autres, lui faire vivre la vie que moi je n'aurais jamais le courage ni l'ambition de mener.


Si tu parles d'un point de vue professionnel, je n'ai absolument aucune ambition sinon de pouvoir faire vivre mon dark bien tranquillement. Le milieu de la BD devient de plus en plus populaire, je préfère être extérieur à cela, toujours pour me préserver, de ne pas avoir trop de rapports avec trop de gens. Au mieux un petit album du darK chez un petit éditeur comme le Gramophone, ça me fera un très joli souvenir à montrer à mes enfants plus tard.

BDA : Tu as travaillé avec plusieurs scénaristes mais là tu sembles à présent vouloir travailler seul (c'est spécifié sur ton site), peux- tu nous dire comment tu scénarises tes propres histoires ? Fais-tu un scénario "classique" ou te lances-tu directement dans le dessin ?

"C'est une véritable thérapie de faire vivre un salaud"
SwaN : J'ai écrit les grandes lignes du darKCain, je sais où il commence, je sais comment il termine. Au-delà du scénario, ce qui importait le plus pour moi c'était de le faire vivre dans un univers où je me reconnaissais. De cet univers je peux ensuite me permettre "des écarts", des choses non prévues dans l'histoire de base et ainsi m'amuser a enrichir l'histoire. Donc pour répondre à ta question, c'est un peu des deux, l'histoire est écrite, mais durant le découpage, je m'autorise à faire quelques écarts pour varier le plaisir.

Mais me lancer directement dans le dessin sans savoir ce qui va se passer une ou deux pages plus tard, c'est impossible pour moi et c'est surtout une maîtrise que je n'ai pas contrairement à des auteurs célèbres ?
Rosinsky, Fred, Sfar le font je crois, je suis incapable de faire ça. Peut-être plus tard, à force de pratique.

BDA : Le scénario de "Darkcain" est-il entièrement écrit, ou laisses-tu une part d'improvisation ?

SwaN : Je crois avoir répondu à ça à la question précédente ;)

BDA : Travailler sur l’univers sombre du « Darkcain, est-ce que cela peut être pesant voire perturbant ?

SwaN : Non, au contraire, c'est une véritable thérapie de faire vivre un salaud, cela permet d'expurger toutes les horreurs que je peux avoir en moi comme chaque être humain normalement constitué peut avoir en lui. Le darKCain est comme une tumeur, sauf qu'au lieu de l'avoir en moi, elle est sur papier. Ca me rassure quelque part.

BDA : Quelle est la place de la documentation dans ton travail ? Notamment sur Darkcain, utilises-tu beaucoup d'images, de photos, etc. ?

SwaN : Oui énormément. Que ce soit les petits patelins du Texas ou bien le fait de dessiner une bagnole, j'utilise énormément de doc dont je me débarrasse au fur et à mesure où je maîtrise ce que je dessine. La documentation me permet d'accorder du crédit à la scène que je fais sur le moment. Le petit détail qui tue et qu'il serait impossible à retranscrire sans documentation. C'est ce genre de chose qui donne une cohérence à ton univers, du moins à mes yeux.

BDA : Je suis épaté par la diversité de tes styles qui oscillent entre le (semi) réaliste et l'humoristique, en intégrant aussi des influences mangas, comics etc. Dans lequel de ces styles te reconnais-tu le plus ?

Indéniablement dans le comics de super héros, c'est avec ce genre que j'ai grandi et avec lequel j'ai découvert le dessin. Cela ne m'empêche pas de lire absolument de tout sans aucun à priori, que ce soit de la bd européenne ou bien du manga, il y a toujours de bonnes choses à découvrir et à comprendre quel que soit le mouvement qui se crée.

"Je m'efforce que chaque moment passé à faire de la bd ne soit uniquement que du plaisir."
Mes influences, ou plutôt mes affinités, vont énormément dans la musique et le cinéma aussi, j'ai vécu mon adolescence dans la musique des années 70, le grunge et le métal industriel, cela devait se voir un jour ou l'autre dans mon dessin. Je m'aperçois que je m'éloigne de plus en plus du genre humoristique pour aller toujours plus vers un style très noir et réaliste et de moins en moins naïf.

J'ai fait énormément d'expériences graphiques en 20 ans, j'ai touché à la peinture, au graph, à l'image de synthèse, la sculpture même, l'avantage à été de m'enrichir et l’inconvénient de me perdre et de mettre énormément de temps à m'affirmer graphiquement. Quand je dis que j'ai touché à différents styles, c'est que je ne les ai pas survolés, j'ai baigné dans le milieu du graph pendant trois ans pendant lesquels j'ai organisé des festivals. Par exemple, fais de l'image de synthèse à haute dose et sculpté et peint pendant toutes mes études. Je me suis donc efforcé de m'imprégner de ces genres et non pas de les survoler approximativement sans en retenir quelque chose ou juste ce qui m'arrangeait.

J'espère simplement que je n'aurais pas à regretter les choix graphiques que j'ai pris avec le darKCain, ceci dit n'ayant aucune contrainte, je peux encore me permettre de changer radicalement de graphisme le jour ou l'envie m'en prendra.
Une version du darKCain peint en bleu avec un gros nez et un bonnet blanc n'est donc pas à exclure pour l'avenir.

BDA : On voit sur ton site qu'il est marqué par la guerre, plutôt la 2ème mondiale. Est-ce que toute son oeuvre tourne autour de la guerre aux US, avec une nostalgie de l'époque où on ne se posait pas trop de questions (voir la série les têtes brulées) ?

SwaN : Nostalgie est un bien grand mot, je ne suis pas nostalgique d'une période de guerre où l'on chassait les gens comme des animaux, mais graphiquement parlant, les années 50 ont ma préférence surtout si on se permet de pervertir un peu le truc. A cette époque c'était les débuts de la publicité "clinquante" celle qui se voit de loin, des grosses bagnoles, mais en gardant un côté très naïf, presque enfantin.

Quand tu vois les bagnoles de l'époque, tu as vraiment l'impression de jouets géants avec des courbes épurées sans tomber pour autant dans la simplification à l'extrême comme certaines bagnoles de maintenant. Compare une Ford des années 50 avec une Clio de maintenant, les voitures d'avant avaient beaucoup plus de caractère que nos voitures actuelles plus "passe-partout". Les avions des "Têtes Brûlées" ressemblaient vraiment à quelque chose avec leurs peintures à têtes de requins sur le fuselage, il y avait là des éléments propres à exciter l'imaginaire même pour quelqu'un pas spécialement fan des voitures ou des avions comme moi. C'est à ce genre d'élément que je me raccroche pour m'amuser, c'est donc normal que le résultat se voit sur mon site et à plus ou moins long terme, sur mes planches du darKCain.

Quant à la nostalgie de l'époque en elle-même, j'envie la facilité des gens de vivre simplement à cette époque avec des valeurs et des repères qui avaient encore un sens. A cette époque vivre avec les cheveux longs c'était une vraie prise de position par exemple, cette naïveté me fascine et m'attire terriblement.

En 1965-66 la révolution sexuelle était vraiment une expérience qui détruisait le schéma classique de la famille bien pensante américaine ancrée depuis l'après-guerre, il y avait ce sentiment d'accomplir quelque chose, de changer le monde. Je regrette énormément de ne pas avoir eu 20 ans en 1965 à San Francisco, mais en même temps cela me permet de garder une image d'Epinal de cette époque et de pouvoir encore mieux la fantasmer dans mes histoires, même si l'histoire du darKCain ne se passe pas dans les années 50 mais un petit peu plus loin que notre époque actuelle (petit scoop tient ça, héhé ^^). Le seul défi qu'il nous reste c'est celui de la conquête spatiale, j'aurais dû bosser à la NASA.

BDA : Peux-tu résumer les différentes phases qui composent ta manière de travailler ?

SwaN : Et bien généralement je m'assois sur une chaise devant une table et je dessine :) Plus sérieusement pour l'histoire je gamberge tout le temps, et cette gamberge je l'injecte dans mon darKCain ce qui permet d'enrichir l'histoire et d'apporter des éléments nouveaux. Je recherche de la doc, je fais ensuite quelques croquis, que je ne fais pas en nombre suffisant bien souvent, ensuite j'attaque la planche au porte-mine bleu après tout de même avoir fait divers tests pour faire des cadrages de scènes à peu près potables. Une fois fait, je fais un crayonné au gris plus précis et enfin j'encre.

BDA : Ta manière de travailler a-t-elle évoluée au fil du temps ?

SwaN : D'un point de vue technique oui, énormément. J'ai longtemps travaillé à la plume et ma rencontre avec Obion et le fait de le voir bosser m'a appris que le pinceau me correspondait mieux, rendant le trait plus agile, plus souple, tout simplement plus vivant. Avant cela, je pensais que la plume donnerait à mon trait une assurance de vieux routard, je trouvais la plume très "noble" comme outil et je m'efforçais de travailler systématiquement avec, sans jamais être vraiment entièrement satisfait du résultat final.

"Mes outils principaux sont un critérium à mine bleue, un crayon gris, un pinceau, un feutre pointe fine et de l'encre noire."

Ceci en pure perte de temps, m'enfonçant dans des trames compliquées pour faire "comme Franquin" alors que je rêvais de faire comme Wrightson. Vous n'avez rien compris à ce que je viens de dire au juste ? Rassurez-vous, moi non plus :)

BDA : Qu'est ce qui t'apporte le plus de plaisir? Le plus de difficulté?

SwaN : Ben, la difficulté c'est justement un plaisir, une scène bien tordue, un décor bien chiant à faire, je me régale d'avance en imaginant le résultat final. A vrai dire plus c'est compliqué plus ça m'amuse de le faire. Pour faire simple, généralement les vraies difficultés je les esquive et je m'efforce que chaque moment passé à faire de la bd ne soit uniquement que du plaisir.

A la base je fais ça uniquement pour mon compte personnel, donc hors de question de trop me compliquer l'existence avec ça. Mais j'ai appris que la bd est un métier de vieux roublard, remplie d'astuces pour se simplifier la vie, quand on a bien compris ça, tout paraît beaucoup plus simple. Mais j'avoue qu'il m'a fallu du temps pour l'admettre. J'ai été élevé dans le culte du "il faut mériter pour avoir ce que l'on veut". Difficile de remettre ça en cause, mais on y arrive.

BDA : Trouves-tu ton inspiration en regardant des films, au travers de lectures, en voyageant ?

SwaN : Oui mais non, ce serait trop simple sinon. Trop d'idées tuent l'idée, alors bien sûr que je trouve mon inspiration dans ce que je lis, vois et écoute, mais je m'efforce de faire le tri pour ne pas être submergé d'influences comme ça a été le cas très longtemps.

BDA : T’arrive-t-il de ne plus avoir d’inspiration ? Comment essaies-tu de remédier à cette situation ?

SwaN : Ca peut paraître bête mais quand ça arrive, généralement je bois. Non très franchement non, je n'ai pas de pression pour créer, donc quand je n'ai pas envie de dessiner ou que je n'ai plus d'idée, j'attends que ça revienne tout simplement. Ceci dit, il est vrai qu'une petite goutte de whisky avant d'attaquer une planche permet quand même d'avoir un trait moins crispé, plus détendu, ça apporte un vrai plus au dessin je trouve, sans en abuser bien évidemment sinon ça ressemble plus à grand chose après (hum!).

BDA : As-tu besoin d’un environnement, d’un dispositif particulier ?

SwaN : Pour du croquis non, pas vraiment, mais généralement quand j'attaque un dessin au propre j'aime être au calme avec mes outils à disposition et en faisant en sorte de ne pas être dérangé pendant les heures suivantes.

BDA : Quelles sont tes meilleures heures pour dessiner et pourquoi ?

SwaN : Tout dépend si c'est une journée où j'ai travaillé ou non. La semaine je dessine fatalement le soir, ce qui ne me dérange pas spécialement. Par contre, quand je suis en vacances ou en week-end j'adore dessiner le matin juste après le lever. J'ai la pêche, je peux bosser toute la journée sans m'arrêter, j'adore ça. Donc idéalement et pour répondre à ta question, oui le matin.

BDA : Combien de temps pour préparer et réaliser une planche, un texte ? Comment prépares-tu ? Quelle importance accordes-tu à cette préparation ?

SwaN : Réponse bateau, tout dépend de la difficulté de la planche, de la doc disponible. Là où je mets toujours le plus de temps c'est sur les cadrages, c'est très difficile de trouver le bon cadrage parfois, mais c'est aussi très amusant à faire.

Généralement en bossant uniquement le soir 2 ou 3 heures, du début à la fin ça met 4 ou 5 jours maximum, quand je suis sur une planche à plein temps généralement une journée et la matinée du lendemain.

BDA : Travailles-tu régulièrement ou bien par périodes ?

SwaN : C'est assez régulier, je passe très rarement une journée sans dessiner que ce soit pour le boulot ou pour moi, donc fatalement je suis toujours amené à me retrouver devant une feuille à remplir. Du coup pour la BD c'est presque machinal, automatique, je me dis tiens, faut pas que j'oublie mon darK moi, et hop c'est reparti. J'aime dessiner, donc la question ne se pose pas trop pour moi.

BDA : Travailles-tu en écoutant la radio ? De la musique ? Laquelle ?

SwaN : Pour le crayonné c'est du calme, mais pour l'encrage j'aime bien me bourrer un peu la gueule et écouter du métal ou de la musique qui bouge bien. Ca permet de me booster l'encrage et de pas m'ennuyer à simplement repasser mon crayonné bêtement. La plupart du temps ce qui tourne c'est Les Doors, Ministry et Rob Zombie, sinon pour le crayonné c'est du silence ou bien un jazz léger du genre Sydney Bechet ou de l'électro très cool type Kruder & Dorfmester.

Ah ! Ma copine me signale qu'il faut que j'arrête de me la pêter comme ça, que je ne bois quasiment jamais et que de toute façon elle sortirait pas avec un alcoolo.

BDA : Y  a-t-il des BDA qui t’influencent ?

SwaN : Oui plein, énormément, c'est même ma principale source d'inspiration. Un de ceux qui m'a le plus marqué graphiquement c'est Irock Z alias Felix Laflamme. Il y a ce côté cartoon destroy, mais bien fait, que j'apprécie beaucoup. Dans le même genre le style de Gregor m'impressionne aussi énormément pour son côté étouffé, très noir et très lourd. D'autres comme Tigerlily ou 4zoreilles sont des gens dont j'apprécie énormément le travail.

Mais il y en a énormément plus et pas des plus connus. Des planches toutes simples qui passent sur la galerie un peu par hasard. Le problème des influences c'est qu'il faut aussi trier dedans et savoir faire un choix.

BDA : Quelle place occupe la technique dans ton travail ?

SwaN : Tout et rien, la technique ne fait pas le dessinateur à elle toute seule. C'est même un peu une facilité de faire appel à elle. A mes yeux le plus important quand on fait une bd c'est la cohérence des planches entre elles. Cela nécessite donc un choix de certaines techniques. Cela n'empêche pas d'en changer suivant ce que l'on raconte et que la scène s'y prête, mais si ce changement de technique brise la cohérence de ton histoire, le pari est perdu. Le lecteur ne pense plus à ton histoire, mais au changement de technique que tu as utilisé et aussi à "pourquoi a t-il utilisé cette technique de travail à ce moment là de l'histoire" ? Dans la mesure du possible j'essaye de ne pas me mettre de contraintes techniques, la priorité pour moi reste de garder la cohérence dans l'histoire.

BDA : A quoi correspond, à ton avis, un encrage de bonne qualité ?

SwaN : Une bd c'est un tout, si il y a un encrage, à partir du moment où il traduit les émotions que l'auteur a voulu nous faire passer, j'estime que c'est un encrage réussi. Que ce soit Charles Burns ou Simon Bisley, les deux ont un style résolument différent mais pourtant leurs travaux sont redoutablement efficaces.

BDA : La couleur est, à tes yeux, un petit supplément ou au contraire un élément indispensable ?

SwaN : Pratiquement la même réponse qu'au dessus, tout dépend des émotions que tu veux faire passer. Personnellement j'aurais tendance à aimer les bd aux couleurs simplifiées et les illustrations aux couleurs plus travaillées. Pour le darkcain, les quelques planches que j'ai mises en couleur ont des dominantes de jaune et de rouge. Les couleurs sont travaillées, mais visuellement j'ai voulu faire en sorte qu'elles fassent brut de décoffrage, qu'on pense que ce soit fait à l'arrache.

Pour les illustrations, je préfère des choses plus abouties visuellement, avec plus de nuances et de détails. Mais tout est permis dans ce domaine, tout dépend de l'auteur et de ce qu'il veut faire passer, de l'envie du moment aussi.

BDA : Quelles technique utilises-tu pour ta mise en couleur ? Pourquoi ? Aimerais-tu tenter des essais avec d’autres techniques ?

SwaN : Généralement je bosse à l'ordinateur parce que c'est très pratique. Mais c'est une technique de feignant, je n'hésite pas à bosser à la gouache, j'ai d'ailleurs plus d'affinités avec les méthodes traditionnelles en règle générale car c'est par elles que j'ai commencé à faire de la couleur. Mais l'informatique reste infiniment plus confortable pour bosser.

A l'avenir j'aimerais bosser plus sur photo mais cela nécessite plus de temps car il y a l'étape de prise de vue à prendre en compte. Mais je pense être amené à y bosser de plus en plus au fur et à mesure que le darKCain avancera, ne serait-ce que pour des illustrations.

BDA : Tu es longtemps resté l’un des membres les plus actifs du staff modo de BDA. Pourquoi cette fonction ? Qu’est-ce que cela t’a apporté ?

"BDA vit dans une bulle, un petit cocon bien chaud, et ce serait regrettable de voir tout cela un jour détruit par des "performers du marketing"."
SwaN : Si j'ai voulu m’ y investir autant c'est pour que BDA puisse permettre à ses auteurs de s'exposer dans des conditions optimums et le pari fut réussi grâce à l'ensemble du staff. Un site pratique d'utilisation, un forum où l'on puisse s'exprimer en respectant l'autre, BDA est l'endroit idéal pour exposer et progresser tranquillement et à son rythme, sans pression particulière, pour moi c'était l'objectif numéro 1. J'y ai énormément appris dans les relations avec les gens mais c'est surtout le nombre de styles qui se côtoient qui m'impressionne.

BDA : Pourquoi restes-tu dans l'ombre ??? tu me donnes l'impression d'être le fantôme vivant de BDA, tu es là sans être là, à zieuter peut être, ou pire, à espionner et après... où vont tes réflexions, tes réponses, tes anxiétés ??? je sens ta présence continuelle mais je sens aussi ta force d'esprit et de pouvoir sur tout ce petit monde, surtout sur les plus faibles...

SwaN : Je pense que tu bois trop et que l'abus de stupéfiants est un véritable danger sur le long terme.

BDA : Est-ce que BDA est mieux aujourd'hui qu'hier?

SwaN : Bien mieux, beaucoup mieux même. Au tout début du site, les outils internet n'étaient pas aussi faciles d'accès que maintenant. Les galeries étaient moins pratiques à manier.

Il y avait moins de monde, mais le travail fait au quotidien sur le forum par le staff modo permet de canaliser toute cette énergie entre membres. Le résultat actuel fait que nous avons un peu le même site qu'au tout début, mais puissance 1000. Si il y a un point négatif à retenir, c'est que le temps passant, le nombre de membres a augmenté et que fatalement l'esprit des tous débuts s'est un peu dilué. Mais c'est inévitable et pas si regrettable que ça puisque ça reste assez la même chose qu'avant, il y a juste plus de monde.

BDA : Quels souhaits aurais - tu concernant BDA dans l’avenir ?

SwaN : Je souhaite qu'il continue à progresser comme maintenant, ma vraie peur à son sujet c'est qu'il ne se professionnalise avec l'arrivée de pros ou de semi-pros et qu'ils ne tuent un peu l'esprit naïf du site. BDA vit dans une bulle, un petit cocon bien chaud, et ce serait regrettable de voir tout cela un jour détruit par des "performers du marketing" qui sont là pour te "booster" sur ton "travail", pour devoir absolument "progresser", pour devenir "rentable" et te faire "éditer". Cette logique est complètement idiote et ne devrait jamais avoir lieu sur un tel site.

Maintenant, je ne prédis pas l'avenir, mais la démocratisation d'internet n'est pas faite pour me rassurer. C'est une bonne chose sans en être vraiment une.

BDA : Et si on finissait en beauté ?
Swan, comment as-tu fait pour avoir une barbe aussi fournie?

SwaN : Très simple, je cultive mon poil dans la main qui m'empêche de me raser tous les matins :)

BDA : Slip ou caleçon ?

SwaN : Caleçon, mais le slip étant de plus en plus démodé, je pense m'y mettre du coup.

BDA : Tu te sens plus "Bob l'éponge" ou "Bob le bricoleur" ? (oui, ça demande une certaine culture pour apprécier cette question à sa juste valeur ^^)

SwaN : Bob l'éponge, car dernièrement il a attiré les foudres des extrémistes religieux et ça, c'est toujours un plaisir de les faire chier ^^

BDA : Cette idylle entre corriveau et SwaN, c'est vraiment vrai?  Et c'est vrai qu'ils attendent un enfant ensemble?

SwaN : Tout à fait, il est prévu pour juillet je crois. Toinou, tu confirmes ? ^^

BDA : Merci SwaN d'avoir répondu à nos nombreuses questions !