C'est avec Remedium qu'on boucle les dossiers "Entre Quatre Planches"  et qui marquent la fin de l'anniversaire des 10 ans de BDA. Il est l'un des plus anciens à encore donner pour ce site orange et il nous raconte ...


Comment en es-tu arrivé à faire de la bande dessinée ?

Tiens, j’ai récemment répondu à cette même question dans le dernier Bazarts du camarade Isangeles. En fait, j’ai toujours dessiné d’un côté, et écrit de l’autre. J’ai toujours eu une soif de création et je produisais tout et n’importe quoi. Au fil des ans, j’en suis venu à la B.D. sans trop savoir pourquoi ni ce que j’allais y faire. Ça remonte à bien longtemps, mais je ne saurais pas dire quand. À cette époque, je devais être influencé par des lectures comme Maurice Tillieux, Hergé, etc. et je voulais faire des récits policiers. Mais bon, j’ai bien vite changé mon fusil d’épaule.

Quand tu as découvert BDA pour la première fois, à quoi ressemblait le site ?

C’était un bon vieux site en HTML qui devait compter une quinzaine de membres, parmi lesquels SwaN, Tube, Frank Rideau, etc. À l’époque, il était en sommeil pour une réfection qui allait déboucher sur le premier site de grand standing BDA. J’ai dû attendre la fin de cette réfection pour pouvoir m’inscrire, je trépignais d’impatience, je m’en souviens bien !



Qu’y as-tu trouvé qui t’ait donné envie de rester ?

Au départ, ce qui m’a le plus impressionné, c’est cette ambiance qui oscillait entre la déconne et le sérieux ; on recevait des critiques terriblement précises, efficaces et constructives, tout en plaisantant sur tout et n’importe quoi. Le fait que la communauté n’était pas très fournie créait une espèce de symbiose entre les membres. Faire partie de BDA, c’était vraiment quelque chose de particulier. À côté de ça, j’ai rencontré des gens formidables, d’une humanité exemplaire, comme Antoine Corriveau, SwaN, Nairolf et plus tard Gregor.



Tu es l’un des plus anciens administrateurs du site à être toujours « en fonction ». Pour toi, à quoi cela correspond-il ?

Ça me semble un peu normal, en fait. J’ai tellement reçu de la part de BDA que ç’a été un honneur d’intégrer l’équipe des administrateurs / modérateurs du site quand on me l’a proposé. Je me suis rendu compte ensuite que c’était un rôle vraiment ingrat, car on passe pour la grosse ordure qui coupe les ailes de tout le monde. Je me suis fais un paquet d’ennemis à ce poste, mais en même temps ça m’a permis de rencontrer des gens formidables, de voir dans les arcanes du site poindre, évoluer, se développer des talents de gamins qui sont devenus des auteurs renommés. C’est réellement passionnant, même si c’est usant. Mais, pour être honnête, je suis quand même largement moins actif qu’à une certaine période, surtout depuis que je me consacre davantage à la Cité des Esclaves.


Comment conçois-tu ton travail d’auteur amateur ?

Je ne le conçois pas vraiment. M’exprimer par la B.D., c’est un besoin que j’assouvis en fonction du temps que j’arrive à arracher à ma vie professionnelle chargée. C’est une manière d’ouvrir ma gueule, d’écrire à ma manière. Il n’y pas autre chose que ça derrière, je n’ai jamais cherché autre chose que de produire et communiquer des écrits illustrés.


Peux-tu nous parler de ta rencontre avec Gregor ?

Quand Gregor est arrivé sur BDA, tout le monde a remarqué son travail qui se démarque nettement des autres par son propos, son style et son aboutissement. Il me semble que la première fois que nous nous sommes parlés, c’était via le chat, puis sur MSN, où on a quasiment immédiatement parlé de faire des choses en commun. C’était la toute première discussion embryonnaire autour de la Cité des Esclaves, à qui Gregor avait déjà consacré quelques illustrations sur Internet. Ensuite, nous nous sommes rencontrés « en vrai » par le biais d’un boulot que nous avions en commun.
Nous sommes très proches avec Gregor, malgré la distance qui nous sépare désormais. Nous défendons la plupart du temps les mêmes valeurs et quand sur certaines choses nous différons, cela apparait comme de la complémentarité.


En créant « la cité des esclaves » aviez-vous défini une charte commune ?

C’était un peu tacite. À partir du moment où nous avions les mêmes idéaux et la même vision du monde et de la bande dessinée, cela allait un peu de soi. La Cité, c’est notre refuge et le miroir de nos œuvres sur Internet. Il n’y a finalement là-dedans rien de vraiment calculé.

Disons que si je voulais en faire un résumé pour la présenter à quelqu’un, je dirais que la Cité est un espace de publication de récits illustrés engagés, qui, pour reprendre l’expression de Gregor, s’attache à dépeindre l’intimité non biographique.

Ta production est souvent «  engagée ». Que représente ce choix à tes yeux ?

Je considère la bande dessinée et la création en général comme un sport de combat. Ce n’est donc pas vraiment un choix ou un créneau que j’ai choisi pour me distinguer, c’est simplement ma manière d’être. J’ai grandi dans un endroit où la révolte est permanente et où l’esprit de rébellion est une nécessité pour avancer. Je crois le plus sincèrement du monde que je ne suis pas particulièrement virulent dans ce que je fais, mais que je donne cette impression parce qu’il existe bien peu d’auteurs qui suivent cette veine. La platitude et la mollesse règnent en maîtres dans la bande dessinée, et c’est bien dommage, car cela l’enlise dans cette image de médiocrité et de manque de sérieux qui lui colle à la peau.


Peux-tu nous parler un peu plus de ta série intitulée « Le royaume » ? Comment procèdes-tu pour déterminer les sujets ? Quels sont tes choix graphiques et narratifs ?

Le Royaume, c’est parti d’un pari stupide que je me suis lancé : faire un strip par jour, malgré mon boulot et ma vie sociale. Pour ce faire, j’avais besoin de personnages stéréotypés, d’un style archi simple et dépouillé et d’un ou deux décors fixes. Les sujets m’ont été dictés par l’actualité de l’époque : les émeutes de banlieue, qui m’ont profondément marqué et construit. Au final, j’ai tenu le coup environ un mois et demi avant d’être rattrapé par cette connerie de réalité et de produire à rythme plus cool. Les 100 strips de la saison 1 sont désormais achevés et seront lisibles petit à petit sur le site de la Cité des Esclaves. La saison 2 est en chantier et au niveau des sujets, là encore, il n’y a qu’à tendre l’oreille pour en trouver…

Je dois dire que je suis assez surpris de voir que le Royaume est ce qui marque le plus les gens dans mon travail, alors que c’est le truc probablement le moins élaboré. Gregor me dit que c’est parce que l’humour attire toujours plus que le reste, c’est probablement vrai. En tout cas, c’est étrange pour moi, car le Royaume n’est finalement qu’une toute petite part de mon boulot, et certainement pas la plus intéressante à mon sens.


Et côté projets, tu en es où ?

Pas mal de récits courts, certains seuls, d’autres avec l’excellent Mogeo. Il y a aussi la saison 2 du Royaume, bien sûr, mais qui n’arrivera pas avant un certain nombre de mois. Le plus important à part ça reste de faire vivre la Cité des Esclaves et d’y publier tous les récits inédits qui encombrent encore mes tiroirs et puis de continuer à hanter un peu le site B.D.A. pour continuer de découvrir de magnifiques talents de jour en jour.



Merci  à toi Remedium. N'hésitez pas à visiter son site  http://www.lacitedesesclaves.org/remedium/

Interview de Philippe Gorgeot

Retour vers BDAmateur.com