2038
Edito du Vendredi 1er Juin 2018
Nous sommes en 2038. En 2038, les auteurs n’existent plus.
Il y a vingt ans déjà, on pouvait deviner les prémices de ce phénomène : Les robots se mirent à peindre et à écrire… Un singe fut rémunéré en droits d’auteur pour un « selfie »… Et un à un, les artistes professionnels commencèrent à disparaître. Pourtant, la production de divertissements n’avait jamais été aussi intense mais elle fut vendue au rabais, voire donnée, piratée… Puis le public était devenu trop occupé à se mettre en scène sur les réseaux sociaux en s’illustrant de photos et de vidéos joliment « filtrées ». Tout le monde commençait à devenir son propre auteur et, en toute logique, seuls les géants de l’Entertainment industriel pouvaient sortir indemnes de ce paradoxe qu’ils avaient, en fait, eux-même orchestré.
En 2038, les GAFAM ont la capacité technologique de divertir, une vie entière, notre « temps de cerveau disponible ». Directement branchés sur nos cerveaux et nourris par notre base de données mémorielle numérisée, des logiciels reproduisent nos propres fantasmes. Il va s’en dire que ces reproductions sont habilement saupoudrées de placements de produits synchronisés aux évolutions boursières… Dans ces conditions, personne n’a le temps de s’intéresser aux productions « artistiques » de son voisin, trop occupé à se gaver des siennes.
A moins que… Dans les tréfonds du Darknet… des hors-la-Loi de Consommation se réunissent pour perpétuer des techniques ancestrales afin de produire des sortilèges. Ces exhibitionnistes de l’Art se dévoilent entre eux leurs imaginaires retranscrits en textes, dessins et cases. Ils y sacrifient les dernières feuilles de papier et crayons (la production a cessé en 2029 pour raisons écologiques). Ils prennent le temps d’échanger… De partager… Se marrer… Ensemble… No control… No pub… Libres… Leur signe de reconnaissance est un code couleur orange. En 2038, c’est le top de la rebellitude. Vous me trouverez parmi eux… encore…
Jonas,
le lundi 24 mai 2038.