Gewissen par Arronax

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Gewissen

I. Intérieur – Jour. Une chambre militaire dans les années quarante...
La petite pièce est de dimension modeste, sans fioriture. Assis à son bureau, un homme écrit une lettre. C’est Karl Leers, un capitaine nazi. Il a devant lui une photographie représentant une jeune femme.
Karl (voix off) : « Ma chérie... Quatre mois, déjà... Je nous revoie encore lors de cette promenade autour du lac. Tu portais cette robe à fleurs que j’aime tant et, pour me faire plaisir, tu avais dénoué ton ruban. Le vent jouait avec tes cheveux défaits et tu avais ri lorsque je t’avais dit que tu ressemblais à Marlène Dietrich dans « L’ange bleu », mais en plus jolie !
Karl pose son crayon, plie sa lettre et la met dans une enveloppe. Tenant celle-ci à la main, il se lève et sort de la pièce.

II. Intérieur – Jour. Un grand couloir.
Karl s’arrête près d’une fenêtre et jette un coup d’oeil à l’extérieur. Il aperçoit au loin quatre soldats et un Officier supérieur nazis s’approcher du bâtiment dans lequel il se trouve.
Karl (voix off, suite) : Tu me manques, Eva ! Je pense à toi du soir au matin et, même si je ne dors pas beaucoup, tu es présente dans chacun de mes rêves...
Se détournant de la scène, Karl poursuit son chemin.

III. Intérieur – Jour. Quartier général militaire.
Karl se dirige vers un bureau derrière lequel une secrétaire tape à la machine.
Karl (voix off, suite) : Dès que je ferme les paupières, ton visage m’apparait dans ses moindres détails... Tes cheveux blonds, tes grands yeux si bleus, ton petit nez retroussé, le contour de tes lèvres, la douceur de ta peau...
Il donne sa lettre à la secrétaire.
Karl : Elle doit partir tout de suite. C’est urgent.
La secrétaire : Oui mon Capitaine !
D’un air entendu, Karl fait demi-tour et quitte la pièce.

IV. Intérieur – Jour. Entrée du bâtiment militaire.
L’Officier supérieur et les quatre soldats de la scène II pénètrent par la porte principale dans le bâtiment qui fourmille de militaires.
Karl (voix off, suite) : Sais-tu Eva que, sur l’ensemble de ton corps, tu as exactement vingt-six grains de beauté ?
Croisant un sergent, l’Officier supérieur l’arrête.
L’Officier supérieur : Avez-vous vu le Capitaine Leers ?
Le sergent acquiesce et indique une porte. Les cinq hommes se dirigent dans cette direction.
Karl (voix off, suite) : Je les tellement comptés et recomptés pendant ton sommeil que je serais capable de te dire où rien que de mémoire ! D’entre tous cependant, je préfère celui que tu portes en secret sur l’aile de ton épaule gauche...

V. Intérieur – Jour. Chambre de la scène I.
Karl est de nouveau assis à son bureau. Il tient à la main la photographie représentant Eva et la regarde fixement des yeux.
Karl (voix off, suite) : Je garde encore à mes lèvres le goût de ton dernier baiser et attend avec impatience nos retrouvailles...
On frappe à la porte.
Karl : Entrez...
L’Officier supérieur et les quatre soldats s’introduisent dans la pièce. Karl, toujours absorbé par la contemplation du portrait de sa femme, ne leur accorde pas un regard.
L’Officier supérieur : Je suis venu vous chercher, Capitaine. Ordre du Commandant. Je suppose que vous savez pourquoi...
Karl embrasse tendrement le visage de son épouse et repose délicatement la photographie à sa place, sur le bureau. Il se lève et, sans opposer la moindre résistance, se laisse saisir par les soldats.
Karl (voix off, suite) : Je t’aime tant, Eva !

VI. Extérieur – Jour. La cour principale.
Il pleut. Escorté par les quatre soldats, Karl suit l’Officier supérieur.
Karl (voix off, suite) : Chaque soir, je prie pour que cette terrible guerre s’achève enfin mais, en matière d’horreur, l’appétit des Hommes ne semble pas connaître de limites... Heureusement, tu es mon rayon de soleil au milieu de toutes ces ténèbres...

VII. Extérieur – Jour. Devant la façade d’un bâtiment.
Karl se tient debout, faisant dos à un mur constellé d’impacts de balles.
Karl (voix off, suite) : Je dois m’absenter. Il se peut que tu ne reçoives pas de mes nouvelles pendant les prochains jours mais, surtout, ne t’inquiète pas : tout va très bien.
L’Officier supérieur s’approche du Capitaine, un rictus sadique au coin des lèvres.
L’Officier supérieur : Je dois vous avouer que je ne vous ai jamais aimé, Leers. Vous ne valez guère mieux que ceux que vous avez essayé de sauver...
Karl reste digne.
Karl (voix off, suite) : Je t’embrasse tendrement mon amour, ainsi que notre bébé que tu portes en toi. Je vous aime tous les deux du fond du coeur.
L’Officier supérieur recule vers ses soldats qui, déjà, tiennent leur fusil en joue.
Karl (voix off, suite) : Ton souvenir m’accompagne...
L’Officier supérieur lève le bras, puis l’abaisse. Feu !
Karl (voix off, suite et fin) : Karl... Auschwitz-Birkenau... Le 9 octobre 1942... »

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10/06/2004 15:02 Arronax
Petite histoire pour un concours. Thème: la rébellion...
10/06/2004 15:56 Visiteur
pollux dit: j'aime bocou, c tres émouvant. Je ne sais pas ce que ça pourrai rendre en BD, mai a lire comme ça, c'est vraimen splendide.
Les textes sont touchants, ce que l'on peut immaginé des images, avec ce mélanges d'horreur, de désolation, de mort dans le décor, cet amour, cette sereinité sur le visage de Karl...tou ça est vraimen impeccable
10/06/2004 16:59 Arronax
Pour la petite info, comme je l'ai dit plus haut, ce scénar' a été écrit dans le cadre d'un concours de scénarii et n'a donc, de fait, aucune prétention d'être adapté en Bd. Mais s'il y a des amateurs...
Merci pour tes commentaires, Pollux!
10/06/2004 23:09 greg10
Tout à fait d'accord avec pollux, c'est vraiment très émouvant et très bien écrit. Bravo
10/06/2004 23:53 2goldfish
Raah, ces nazis, quels méchants!

Bien écrit et euh... c'est tout vu que c'est que de l'écriture. Bien, bien, bien, quoi.
11/06/2004 08:56 philippe gorgeot
Il y a un style "Arronax" que l'on retrouve dans toutes tes histoires, celle-ci n'y échappe pas! Comme d'habitude cela me touche beaucoup. Merci à toi!
11/06/2004 14:16 sulo
Je suis daccord avec philippe, tu as un style bien à toi, tes textes sont toujours emprunt d'une grande melancolie. Quel romantique tu fais :)

-->desolé pour le retard de mes planches, mais mon chien les a mangées.
ne t'inquiete pas car je dois presenter un dossier la semaine prochaine et je compte finir la première planche pour l'insserer dedans.(je suis en train de travailler dessus en ce moment même)

a+ arro'


14/06/2004 16:05 Arronax
Merci pour ces commentaires! J'aurais toutefois une petite question: le lien entre l'histoire et le thème du concours (la rébellion) vous parait-il suffisamment mis en valeur, ou bien croyez-vous qu'il faille que j'explique encore davantage les choses?
Takk for hjelpe (en norvégien!) ;-D
15/06/2004 01:51 sulo
oua! L'autre hé! il va au Cap Nord... et maintenant il se l'a ramène...
*ouais...e... j'parle le Norvégien courament... j'men tape que personne ne comprend... de toute facon je vous meprises.*

c'est comme ca?!?
ok!
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t'as plus qu'a allait faire traduire ca par tes potes les MORSES (t'as dut en connaitre un paquet en norvège)
et ils te dirons ce que je pense de ton scénar'
(c'est du vrai morse,j'ai fait telegrammien en deuxieme langue)

t'as remarqué? y'a aucun smilleys dans ce post. c'est peut etre parce que je pensais tout ce que j'ai dis ;D

15/06/2004 10:36 Arronax
Det er velde moro, Samuel, men eg forstår ikkje kva du har skrive... Kan du gjenta, vær så snill? Tusend takk!
15/06/2004 12:11 sulo
HA! NoN!! J'ai jamais dit ca, je disais juste que l'histoire etait bien menée, mais qu'il manquait peut etre un ou deux details pour que l'on comprenne bien qu'il s'agit d'une rebellion.
alors ne me fait pas dire ce que je n'ai dit, je n'ai jamais tenu ces propos, et si tu continus a etre de mauvaise foi, je pense que j'.....arggrrr...... c'est bon j'suis plein de nerfs.
et puis dabord *Det er velde moro toi même*
15/06/2004 18:28 philippe gorgeot
L'acte de rébellion n'est pas montré mais il est suggéré avec force. D'une part, on se doute qu'il va se passer quelque chose en parallèle avec l'écriture de la lettre et d'autre part, on s'aperçoit qu'il s'agit là d'une action de désobéissance et d'opposition dont la détermination n'a aucune limite: Karl sacrifie sa vie et son amour pour tenter de sauver d'autres vies.
je crois donc, pour ma part, que "la rébellion" est mise en valeur à deux niveaux: la construction de ton récit(crescendo et suggestion) ainsi que la nature même de l'acte proprement dit.

S'agit-il d'un concours BD ou de court-métrage? Tiens-nous au courant du résultat!
18/06/2004 13:06 Chom
Moi, je verrais bien une version completement muette ou le soldat parlerais des horreur de la guerre dans sa lettre plutot que de se complaindre sur son passé, et que l'on ne découvre le champ d'exécution qu'a la dernière case. Les autres cases pourraient être, au départs, comme tu la fais, la chambre du soldat en train d'écrire, puis un long couloir, refletant un esprit étroit, avec un côté un peu psycadélique et triste. Je verrais bien toute les case en teinte de gris sauf la derniere ou le rouge serait dominant.

Sinon, j'apprécie toujours tes scénarios, bonne continuation.
19/07/2004 18:04 Arronax
Je viens tout juste d'apprendre que j'ai gagné le concours pour lequel cette histoire a été écrite...
Je ferai donc partie des six membres du jury scénario de la cinquième édition du Festival International du Grain à Démoudre, en octobre prochain!

http://www.dugrainademoudre.net
19/07/2004 18:17 philippe gorgeot
Chapeau bas ! Cette histoire était de toute manière une belle histoire, alors bravo à toi et bon vent pour la suite!
19/07/2004 18:43 2goldfish
Bravo!
19/07/2004 18:43 sulo
Oua j'y crois pas, on confit des responsabilitées au petit Arro', c'est un grand jour pour les loosers :)

tiens justement en lisant "Le demon et mademoiselle Grym" j'ai pensais a ton histoire,
il y est dit que pendant une mise a mort, il y a toujours un fusil au hasard qui est chargé à blanc, pour que chaque soldat se déculpabilise et remette la mort du prisonnier sur son voisin.(c'est tout ce que j'ai retenu de ce bouquin :)
tu vas me dire "et alors?"
alors rien...

bien joué gros.
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